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« M. le comte de Fontenay faisait des entreprises d’agriculture en commun avec M. le marquis de Feugerets, dont la terre est située à deux lieues de la sienne. M. de Fontenay avait un braque superbe, très intelligent, qu’il avait élevé lui-même, et qui semblait deviner ses pensées. Un jour qu’il avait une lettre pressée à envoyer à son voisin, et qu’il ne trouvait personne dont il pût disposer, il imagina de se servir de son chien pour commissionnaire. Il attacha donc une lettre au collier de Soliman, et lui dit à tout hasard et sans compter sur l’exécution de son ordre : « Porte cela aux Feugerets ; » le chien y alla et ne voulut se laisser prendre la lettre que par le marquis. Pendant quatre ou cinq ans, ajoute M. Dureau, j’ai vu cet animal servir de commissionnaire entre les deux châteaux, avec une promptitude et une fidélité remarquable. Quand il avait remis sa lettre, il allait manger à la cuisine, puis aussitôt il venait s’asseoir devant la fenêtre du cabinet de M. de Feugerets, aboyait à diverses reprises pour avertir qu’il était prêt à porter la réponse, et à peine l’avait-on attachée à son collier, qu’il repartait en courant et venait remettre la lettre à M. de Fontenay, son maître.

« Un des éléphans vivant actuellement au Jardin des Plantes, offre la répétition du même genre de fait. Quand son cornak, sans élever la voix, lui dit : En arrière, il recule sur-le-champ. »

Cet éléphant, quand il est arrivé en France, avait déjà reçu quelque éducation ; déjà il attachait un sens à certains signes vocaux, mais il ne savait pas le français, et il a dû en apprendre les mots qui lui étaient nécessaires. Les chiens en font autant, cela est bien connu, mais ils oublient assez promptement la langue qu’on cesse de leur parler ; notre éléphant, au contraire, a conservé long-temps l’intelligence de celle qui lui avait été d’abord enseignée ; c’est ce qui se déduit du fait suivant que je tiens d’un témoin oculaire dont la véracité m’est bien connue.

M. B…, colonel au service de la compagnie des Indes, étant venu à Paris en 1829, alla visiter le Jardin des Plantes, et arrivant près de l’éléphant, il lui adressa, dans la langue du Bengale, une des phrases dont les cornaks ont coutume d’apostropher ces animaux. L’éléphant, qui était à l’extrémité opposée de l’enceinte, prêta aussitôt l’oreille et s’approcha de M. B… qui lui ordonna, toujours dans la même langue, de se mettre à genoux. D’abord l’animal sembla embarrassé, comme une personne à qui on parle une langue qui ne lui est plus familière ; mais l’ordre lui ayant été répété, il s’agenouilla. Il obéit également quand M. B… lui commanda d’ouvrir la bouche.


Roulin.