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portuner, se pressent aussitôt autour de lui, et à moins qu’il ne cesse ses plaintes, le mordent cruellement, et finissent par le tuer. C’est là un fait bien constant, mais qui d’ailleurs n’infirme pas l’autre ; et l’histoire du chien nous offre des contradictions du même genre. Ainsi on a remarqué, en Angleterre, dans les chenils très nombreux, que si un chien tombe par accident du banc sur lequel il était couché, les autres aussitôt se jettent sur lui et l’étranglent. Lorsqu’au contraire un de ces animaux saute à terre volontairement, le reste de la meute ne semble pas y prendre garde et ne bouge point. On n’a pas trouvé jusqu’à présent d’explication pour ces singuliers actes de férocité ; mais on ne s’est pas avisé d’en conclure que les chiens n’étaient pas capables d’amitié.

L’auteur de la lettre regarde le cochon comme un animal doué de beaucoup plus d’intelligence que ne semble l’indiquer sa lourde figure, et qui serait susceptible de perfectionnement, si l’homme daignait s’en occuper. D’autres observateurs avaient été déjà conduits à en juger de même et avaient présenté des faits à l’appui de leur opinion. Voici, par exemple, ce que dit à ce sujet M. Dureau de la Malle, à qui nous devons des détails très-curieux sur les mœurs de divers animaux.

« Le cochon que nous élevons pour la boucherie, et que nous voyons enfermé dans une étable, nous paraît extrêmement stupide et borné. Néanmoins l’éducation et l’habitude de vivre avec les hommes développent en lui de l’attachement, de la reconnaissance, et quelques qualités morales. À Brives-la-Gaillarde, dans le Limousin, les cochons vivent, comme les chiens, dans la société des hommes, montent jusqu’au troisième étage, et se couchent dans la chambre de leurs maîtres. Ils ont pris des habitudes de propreté ; ils suivent comme un chien leur maîtresse à travers la ville, lorsqu’elle les mène deux fois par jour à la rivière pour les frotter et les laver. On les voit se mettre à l’eau tout seuls, se tourner sur un côté, sur l’autre, se mettre sur le dos, sur le ventre, pour qu’on en brosse aisément toutes les parties ; et je les ai vus enfin remercier, en quelque sorte, leur maîtresse de ces soins qui sont pour eux une jouissance, en lui léchant plusieurs fois la main. »

Malgré la cruauté que montrent les cochons envers leurs camarades blessés, ils savent au besoin se secourir entre eux et agir de concert contre un ennemi qui menace la sûreté commune. J’en trouve la preuve dans un fait qui m’a été rapporté par un témoin oculaire, M. A., ingénieur en chef du département d’Ille-et-Vilaine. Voyageant en hiver dans une partie reculée de la Basse-Bretagne, il aperçut, au milieu d’une lande, un troupeau de douze à quinze cochons assailli par deux loups et put s’en approcher assez pour bien voir le combat qui dura encore pendant près d’une demi-heure.