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MÉLANGES.

sur ses pas. C’était pour aller chercher l’invalide avec lequel on le vit reparaître plus tard, marchant à côté de lui comme pour l’appuyer et soutenir ses pas chancelans. Je tiens cette anecdote du fils même du propriétaire.

« Le trait suivant n’indique pas un égal degré d’attachement, car il pourrait être attribué à l’obligeance ou à la politesse tout comme à l’affection. Une dame anglaise demeurant près de Lausanne, lady D., trop tôt enlevée à sa famille, avait un petit cheval pour ses enfans ; celui qu’elle montait elle-même, d’une taille plus élevée, se trouvait placé dans l’écurie à côté du premier. S’apercevant que celui-ci ne pouvait pas atteindre le foin placé devant lui dans le râtelier, il le lui faisait tomber dans la crèche. J’ai entendu parler à cette occasion d’un cheval de cavalerie qui mâchait l’avoine pour son vieux camarade, dépourvu de dents ; le premier fait étant avéré rend celui-ci croyable.

Maintenant voici une anecdote sur un jeune chien de Terre-Neuve qui, pour n’être pas une affaire de sentiment, n’en est pas moins curieuse. Dans une campagne voisine de Lausanne, des gens de Glaris avaient apporté cet hiver un modèle de vaisseau qu’ils faisaient voir pour de l’argent. Le lendemain, la maîtresse de la maison, entendant du bruit, se met à la fenêtre. On causait, le chien aboyait ; c’était un de ces hommes de Glaris, qui revenait pour chercher un bonnet qu’il disait avoir laissé la veille ; personne ne l’avait trouvé, les domestiques affirmaient ne l’avoir pas aperçu ; tout à coup le chien entre dans la cour et en revient avec le bonnet, qu’il avait sans doute caché dans la neige, car il était gelé. La vue de cet homme lui avait-elle rappelé le bonnet et le rapportait-il machinalement, ou bien avait-il compris de quoi il s’agissait ? je penche pour la dernière supposition. »

Des différentes observations que renferme cette lettre, la plus intéressante, si elle était bien constatée, serait certainement la première, puisqu’elle nous obligerait à modifier nos idées sur un animal qui est depuis si long-temps soumis à notre observation, qu’aucune de ses dispositions ne devrait être nouvelle pour nous. Jusqu’à présent cependant on ne considère guère le cochon comme un être susceptible d’un véritable attachement, et on ne lui accorde en général que cet instinct aveugle de sociabilité qui pousse les individus de certaines espèces à se réunir en troupes, sans d’ailleurs se prêter aucune assistance mutuelle. On avait même raison de supposer que, pour cette espèce, il n’existe pas entre les différens membres de la communauté une affection bien grande ; on sait en effet que, si dans un troupeau de cochons, quelque individu est blessé grièvement et pousse des cris aigus, ses camarades, qu’une pareille clameur semble im-