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ANCIENNE POÉSIE SCANDINAVE.

coup d’hommes. Des sages il fait des insensés, parmi les enfans des hommes, lui le puissant desir.

La pensée seule sait ce qui convient au cœur, et il n’est point de pire maladie que de ne prendre plaisir à rien. »

Cette dernière pensée semble écrite pour notre temps ; mais dans toute cette fin, il pourrait bien y avoir quelques traits plus modernes que le reste.


*


LE CHANT DE RIG.

POÈME POLITIQUE.


Ce chant n’est ni un chant cosmogonique comme la Voluspa, ni un chant éthique et magique comme le Hava-Mal ; c’est un chant politique et historique dans le fond, contenant, sous une forme mythologique, l’origine sacrée de la hiérarchie sociale, dans le nord, celle des trois ordres qui la constituent, et, en même temps, la succession des trois races qui ont peuplé la Scandinavie, et dont chacune correspond à l’un de ces trois ordres.

Voici quelle est l’idée de ce chant.

Un des Ases, ou dieux Heimdall, sous le nom de Rig, qui veut dire le fort, le puissant, arrive sur le bord de la mer, en un certain pays ; là, il trouve deux époux, dont les noms sont symboliques : c’est l’ayeul et l’ayeule (Edda). Ses hôtes lui offrent un pain grossier et la chair d’un veau ; ensuite il se place dans leur couche, au milieu d’eux. Il passe ainsi trois nuits, puis reprend son chemin. Neuf mois s’écoulent, et l’ayeule enfante un fils : on répand sur lui l’eau lustrale (ancien baptême des Scandinaves), et on l’appelle esclave (throel). « Il était noir, la peau de ses mains était rude, ses genoux arqués, ses doigts épais, sa figure hideuse, son dos courbé, ses talons saillans.

Quand il fut devenu fort, son occupation était de travailler l’écorce, de faire des paquets de branchages, et de les porter à la maison.