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Il fallait l’abandonner, comme on avait abandonné le système des cônes. Ils étaient impraticables l’un et l’autre.

Tout à coup, un courrier arriva à grand bruit. Il traversa la ville, et ne quitta l’étrier qu’à la porte du préfet maritime. Le lendemain, on lisait le décret suivant sur les murs de Cherbourg :

« Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l’empire, empereur des Français, roi d’Italie, etc., etc.

Art. 1er . La batterie de la digue de Cherbourg sera construite sur une tour elliptique de pierres de taille de granit, conformément aux plans et à la coupe annexés au présent décret.

2. Les fondations seront établies sur l’enrochement intérieur au niveau des basses mers.

3. Sur ce massif de fondation, sera placée une caserne dont les murs percés de soixante-dix-huit créneaux, capable de contenir une garnison de cent cinquante hommes, le magasin à poudre et la citerne.

4. Une plate-forme générale sur cette caserne servira d’emplacement à une batterie de dix-neuf pièces de canon de trente-six. Le seuil des embrasures sera élevé de trente pieds au-dessus des plus hautes mers, etc. »

Napoléon traitait la mer comme il traitait ses ennemis ; il lançait un décret contre elle, et la menaçait de la repousser à coups de canon. Peu s’en fallut qu’il ne lui appliquât toutes les rigueurs du blocus continental.

Xercès jetant des chaînes à la mer n’est qu’un despote risible, mais un décret tel que celui de Napoléon n’est pas ridicule quand il s’exécute. Or, Napoléon en fit bien plus que ne disait son décret.

On se mit aussitôt à l’ouvrage. De nouvelles masses de pierres furent apportées avec persévérance ; et lorsque ces entassemens étaient élevés au niveau des basses marées, on les recouvrait aussitôt d’un massif de maçonnerie. Rien ne s’opposait plus à l’élévation du fort dont la construction avait été ordonnée, lorsque la restauration vint arrêter tous les travaux.

Les monumens que Napoléon a laissés à Cherbourg ne sont pas moins immenses. Deux ans après son décret, il avait fait creuser ce magnifique port militaire que les marins admirent tant, élever