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REVUE DES DEUX MONDES.

Berce tes rideaux blancs dans ton joyeux miroir.
C’est une belle nuit, — c’est moi qui l’ai payée.
Le Christ à son souper sentit moins de terreur,
Que je ne sens au mien de gaîté dans le cœur.
Allons ! vive l’amour que l’ivresse accompagne !
Que tes baisers brûlans sentent le vin d’Espagne !
Que l’esprit du vertige et des bruyans repas
À l’ange du plaisir nous porte dans ses bras.
Allons ! chantons Bacchus, l’amour et la folie !
Buvons au temps qui passe, à la mort, à la vie !
Oublions et buvons ; — vive la liberté !
Chantons l’or et la nuit, la vigne et la beauté !



iv.


Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire
Voltige-t-il encor sur tes os décharnés ?
Ton siècle était, dit-on, trop jeune pour te lire ;
Le nôtre doit te plaire, et tes hommes sont nés.
Il est tombé sur nous, cet édifice immense,
Que de tes larges mains tu sapais nuit et jour.
La mort devait t’attendre avec impatience,
Pendant quatre-vingts ans que tu lui fis ta cour ;
Vous devez vous aimer d’un infernal amour.
Ne quittes-tu jamais la couche nuptiale
Où vous vous embrassez dans les vers du tombeau,
Pour t’en aller tout seul promener ton front pâle
Dans un cloître désert ou dans un vieux château ?
Que te disent alors tous ces grands corps sans vie ?
Ces murs silencieux, ces autels désolés,
Que pour l’éternité ton soufle a dépeuplés ?
Que te disent les croix ? que te dit le Messie ?
Oh ! saigne-t-il encor, quand pour le déclouer,
Sur son arbre tremblant comme une fleur flétrie,
Ton spectre dans la nuit revient le secouer ?