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REVUE DES DEUX MONDES.

Sous les baisers ardens de ses fleurs bien-aimées,
Il boit sur ses bras nus les perles des roseaux.

C’est un enfant qui dort sous ces épais rideaux,
Un enfant de quinze ans, — presque une jeune femme ;
Rien n’est encor formé dans cet être charmant.
Le petit chérubin qui veille sur son âme
Doute s’il est son frère, ou s’il est son amant.
Ses longs cheveux épars la couvrent tout entière.
La croix de son collier repose dans sa main,
Comme pour témoigner qu’elle a fait sa prière,
Et qu’elle va la faire en s’éveillant demain.

Elle dort, regardez : — quel front noble et candide !
Partout, comme un lait pur sur une onde limpide,
Le ciel sur la beauté répandit la pudeur.
Elle dort toute nue et la main sur son cœur.
N’est-ce pas que la nuit la rend encor plus belle ?
Que ces molles clartés palpitent autour d’elle,
Comme si, malgré lui, le sombre esprit du soir
Sentait sur ce beau corps frémir son manteau noir ?

Les pas silencieux du prêtre dans l’enceinte
Font tressaillir le cœur d’une terreur moins sainte,
Ô vierge ! que le bruit de tes soupirs légers.
Regardez cette chambre et ces frais orangers ;
Ces livres, ce métier, cette branche bénite
Qui se penche en pleurant sur ce vieux crucifix ;
Ne chercherait-on pas le rouet de Marguerite
Dans ce mélancolique et chaste paradis ?

N’est-ce pas qu’il est pur, le sommeil de l’enfance ?
Que le ciel lui donna sa beauté pour défense ?
Que l’amour d’une vierge est une piété,
Comme l’amour céleste ; et qu’en approchant d’elle,
Dans l’air qu’elle respire on sent frissonner l’aile
Du séraphin jaloux qui veille à son côté ?