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REVUE DES DEUX MONDES.

Je reportai la vue sur la sœur cadette du Vésuve ; c’était un fort joli volcan de second ordre.

Un incendie nocturne dans les montagnes est une des plus magnifiques choses que l’on puisse voir. Le feu lâché librement dans une forêt, allongeant de tous côtés, comme un serpent, sa tête flamboyante, se prenant à ramper tout à coup autour du tronc d’un arbre qu’il rencontre sur sa route, se dressant contre lui, dardant ses langues comme pour lécher les feuilles, s’élançant à son sommet qu’il dépasse ainsi qu’une aigrette, redescendant le long de ses branches, et finissant par les illuminer toutes comme celles d’un if préparé pour une réjouissance publique : voilà ce que nos rois ne peuvent pas faire pour leurs fêtes ; voilà qui est beau ! Puis, quand cet arbre brûlé secoue ses feuilles ardentes, quand passe sur lui un coup de vent qui les emporte comme une pluie de feu, quand chacune de ces étincelles allume en tombant un foyer, que tous ces foyers, en s’élargissant, marchent au-devant les uns des autres, et finissent enfin par se réunir et se confondre dans une immense fournaise ; quand une lieue de terrain brûle ainsi, et quand chaque arbre qui brûle nuance la couleur de la flamme selon son essence, la varie selon sa forme ; quand les pierres calcinées se détachent et roulent brisant tout sur leur route, quand le feu siffle comme le vent, et quand le vent mugit comme la tempête : oh ! alors, voilà qui est splendide, voilà qui est merveilleux ! Néron s’entendait en plaisirs, lorsqu’il brûla Rome.

Je fus tiré de mon extase par une voiture qui traversait la place escortée de quatre carabiniers royaux. Je reconnus celle de nos Ruggieri, qui, vendus par les guides, dénoncés par le maître de poste, avaient été rejoints, avant de pouvoir gagner la frontière de la Savoie, par les gendarmes de Charles-Albert. On voulait les conduire en prison ; nous répondîmes tous d’eux ; enfin, sur la caution générale, et leur parole d’honneur de ne point quitter la ville, ils furent libres de jouir du spectacle qu’ils devaient payer.

Le feu dura ainsi trois jours.

Le quatrième on leur apporta une note de trente-sept mille cinq cents et quelques francs.

Ils trouvèrent la somme un peu forte pour quelques mauvais arpens de bois, dont la situation rendait l’exploitation impossible ;