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REVUE. — CHRONIQUE.

joindre la jolie pièce, déjà connue, du Printemps. Ces treize élégies, qui par leur manière concise et étudiée, rappellent assez Properce, composent un ensemble où se peignent les délices, les jalousies, l’ivresse, les brouilleries d’une passion. Nous indiquerons surtout la septième qui nous semble une perle admirable, et toute la fin de la seconde et de la troisième. Voici la dernière qui respire une mélancolie antique ; il me semble qu’Horace, Callimaque ou Tibulle n’auraient pas soupiré autrement :


Oh ! dites-moi, qu’est-elle devenue ?
Dort-elle encor dans la paix des tombeaux,
Ou compagne des vents et de l’errante nue,
Voit-elle un autre ciel et des astres plus beaux ?
Quand le printemps en fleurs a couronné ces arbres,
Les chants du rossignol hâtent-ils son réveil ?
Son sein gémirait-il pressé du poids des marbres,
L’écho du vieux torrent trouble-t-il son sommeil ?
Et quand novembre, au cyprès solitaire
Suspend la neige et nous glace d’effroi ;
Lorsque la pluie a pénétré la terre,
Sous son linceul se dit-elle : « J’ai froid ! »
Non ; sa vie est encore errante en mille atômes.
Objet de mes chastes sermens,
Tu n’as point revêtu la robe des fantômes,
Et tes restes encor me sont doux et charmans.

Vagues parfums, vous êtes son haleine ;
Balancemens des flots, ses doux gémissemens ;
Dans la vapeur qui borde la fontaine,
J’ai vu blanchir ses légers vêtemens.
Oh ! dites-moi ! quand sur l’herbe fleurie
Glissent, le soir, les brises du printemps,
N’est-ce pas un accent de sa voix si chérie ?
N’est-ce pas dans les bois ses soupirs que j’entends ?


Il n’y a pas une tache dans ce morceau touchant et simple ; il y en a en général bien moins dans les élégies de M. de Latouche que dans ses autres productions. La surface de sa pensée ne se cristallise pas toujours avec transparence. Mais ce petit nombre d’élégies échappe presque entièrement au reproche, et le nom de Valérie y brille gravé sur un vif diamant. Le morceau sur André Chénier est un complément indispensable et définitif des œuvres de ce grand et cher poète. Dans l’Étude de Paysage