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magicien et les enfans que j’employais ; et pour être encore plus sûr, je les allais chercher dans les quartiers les plus reculés ou sur les routes, au moment où ils arrivaient de la campagne. J’obtins des révélations surprenantes, qui toutes (manquant sur certains points, que l’on pouvait souvent attribuer à l’ignorance de l’enfant sur les objets qui lui apparaissaient) avaient un caractère d’originalité, plus surprenant sans doute qu’une vérité abstraite. Une fois, entre autres, je fis apparaître lord P… qui était au Caire, et l’enfant, dans la description de son costume qu’il suivit fort exactement, se mit à dire : Tiens, c’est fort drôle, il a un sabre d’argent. Or, lord P… était peut-être le seul en Égypte qui portât un sabre avec fourreau de ce métal.

De retour au Caire, je sus qu’on parlait déjà de ma science, et un matin, à mon grand étonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman de France, vinrent chez moi pour me prier de leur faire retrouver un manteau qui avait été volé à l’un d’eux. Cette confiance en mon pouvoir, que j’étais encore loin d’avoir moi-même, m’égaya fort ; mais je résistai à l’envie de rire et leur dis très sérieusement d’amener un enfant, le premier venu.

Je ne commençai cette opération qu’avec une certaine crainte, la confiance qu’on avait dans ma science semblait me faire une obligation de ne pas la démentir, l’amour-propre s’y joignait un peu, et j’étais, sans doute, aussi inquiet des réponses de l’enfant que les Arabes qui en attendaient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur, le cavas ne voulait pas paraître, malgré force parfums que je précipitais dans le feu, et les violentes aspirations de mes invocations aux génies les plus favorables ; enfin il arriva, et après les préliminaires nécessaires, nous évoquâmes le voleur. — Il parut. — Il fallait voir les têtes tendues, les bouches ouvertes, les yeux fixes de mes spectateurs attendant la réponse de l’oracle, qui, en effet, nous donna la description de sa figure, de son turban, de sa barbe, à ne pas douter qu’il fût là devant lui. — C’est Ibrahim ! oui, c’est lui ! bien sûr ! — s’écria-t-on de tous côtés, et je vis que je n’avais plus qu’à appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m’avaient tous quitté pour courir après Ibrahim. — Je souhaite qu’il ait été coupable, car j’ai entendu vaguement parler de quelques coups de bâton qu’il reçut