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MAGIE ORIENTALE.

un quartier turc, nous arrivâmes à la grande mosquée Elahzar, près de laquelle demeurait Achmed l’Algérien. Malgré les nombreuses indications que nous recevions à nos demandes réitérées, nous parvînmes avec peine à nous reconnaître au milieu de ce dédale de dévots, de mendians, d’aveugles, de boutiques et de ruelles. Enfin nous entrâmes dans l’impasse au fond duquel était la maison de notre homme. Je tirai le cordon, et après un instant d’attente, la porte s’ouvrit à moitié ; une femme, qui était occupée à laver, nous dit en se cachant de son voile la moitié de la figure, de manière à nous laisser voir à peine un œil, mais largement toute sa gorge, qu’Achmed avait été appelé, et qu’il devait nous attendre le lendemain après l’asr.

Nous fûmes exacts au nouveau rendez-vous ; nous congédiâmes nos amis et montâmes par un escalier rapide à un second bien aéré, simplement orné, mais muni d’assez bons divans et de tapis encore neufs. Achmed nous reçut poliment et avec une gaîté affable ; un enfant fort gentil jouait près de lui, c’était son fils ; peu d’instans après, un petit noir d’une bizarre tournure nous apporta les pipes.

Au reste, tout cet intérieur respirait la tranquillité, l’aisance et le bien-être, non que je veuille suivre la manie du jour, qui nous prouvera bientôt qu’il faut être bourreau, geôlier ou censeur, pour vivre heureux en ménage, mais parce que cela me frappa ainsi, tout en contrariant mes idées qui associaient naturellement au métier de sorcier quelque chose de magique ou de cabalistique, un bonnet pointu, une robe à ramages diaboliques, et une lampe dans le fond d’un crâne.

Il ne fut question que de choses indifférentes tant qu’on n’eut pas apporté le café ; après l’avoir bu, la conversation s’engagea sur les occupations, l’art du maître de la maison. Il nous raconta qu’il tenait sa science de deux scheicks célèbres de son pays, et ajouta qu’il ne nous avait montré que bien peu de ce qu’il pouvait faire. Et alors au milieu d’une longue nomenclature de secrets et d’effets extraordinaires opérés par de petits papiers écrits et les recettes les plus saugrenues, j’en remarquai plusieurs qui se rattachaient à des connaissances de physique assez approfondies, et d’autres surtout qui, à n’en point douter, étaient produits par le pouvoir d’un magnétisme prompt et violent. « Je puis en outre, disait-il,