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cet essai. Cependant il eût été impossible de décliner l’invitation ; je cédai, et je vis en peu d’instans ma figure, mes yeux se troubler dans le vacillement de la surface liquide que j’avais dans la main, et bientôt quelque chose… je n’ose l’avouer, mais j’en eus peur ; peur, non de ce que je verrais, mais de l’effet que cela produirait sur moi, des réponses qu’on allait m’arracher devant ce monde curieux et moqueur. Je fis un effort sur moi, je fermai les yeux, et dis que c’était inutile, que je ne voyais rien. Je relevai la tête et regardai à peine le magicien, je sentais qu’il aurait lu ma crainte dans mes yeux. Je me retirai dans le fond de la chambre et j’appelai Bellier, mon drogman, près de moi. Frappé que j’étais de ce pouvoir singulier, je lui dis de prendre à part Achmed, et de lui demander si, pour une somme quelconque qu’il fixerait, il voudrait me dévoiler son secret, bien entendu que je m’engagerais à le tenir caché.

Le spectacle terminé, Achmed, tout en fumant, s’était mis à causer avec quelques-uns des spectateurs, encore tout surpris de son magique talent ; puis après le café, il partit. Chacun se retira. J’étais à peine seul avec Bellier que je m’informai avec empressement de la réponse qu’il avait obtenue. Achmed lui avait dit qu’il consentait à m’apprendre son secret, que je n’avais qu’à venir le lendemain chez lui, et que nous fixerions ensemble les conditions.


§. ii.

UN SECRET.


Je fus acheter avec le juif studieux un œil
de chat qui me coûta huit médains.
MONCONYS.


J’ai raconté cela à tous les devins, mais
je n’en trouve point qui me l’expliquent.
GENÈSE.


Le lendemain d’assez bon matin, vêtu en simple soldat (cavas), ainsi que Bellier, et montés sur des ânes que nous avions pris dans