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ment et de sympathie, et quand même des dissentimens de détail s’élèveraient entre l’auteur et nous, nous en détournerions nos regards pour les fixer uniquement sur les vastes analogies qui nous sont communes. M. Buchez a encore le précieux mérite à nos yeux d’avoir écrit un livre non-seulement substantiel et fort, mais un livre qui en demande un autre, et qui ne peut être que le commencement de travaux ultérieurs. Nous croyons savoir qu’un des amis avec lesquels il émet en commun ses idées et ses études, M. Boulland, prépare une justification historique des principes métaphysiques contenus dans l’Introduction. Nous desirons que le livre de M. Boulland soit suivi lui-même d’autres travaux encore. Cet enchaînement d’études est excellent, et peut seul aujourd’hui accomplir quelque chose. Ainsi nous recommandons aux jeunes esprits la lecture attentive de l’ouvrage de M. Buchez, surtout parce qu’il demande des développemens, des justifications et des amendemens ; il contraindra au travail ceux qui l’étudieront, il les fortifiera en leur imposant la nécessité de le comprendre et de le compléter. Toute production philosophique qui voudrait aujourd’hui s’enfermer en elle-même, et prononcer le consummatum est dans le cercle fatal qu’elle aurait éradié autour d’elle, serait fausse par cette prétention même.

Faut-il gémir et faire mince état de nous-mêmes, parce que nous sommes éloignés d’une solution complète ? Dans les dernières années de la restauration, ne crut-on pas toucher à l’âge d’or de la philosophie ? Tout semblait clair ; tout était expliqué ; d’une part, l’école anglaise avait résolu les difficultés de la politique ; de l’autre, l’éclectisme avait délié le nœud de la métaphysique : tout paraissait lumineux et solide ; tout a pâli, tout est tombé. On nous crie que l’époque où nous vivons est anarchique ; peut-être : mais vaut mieux cette anarchie sincère que ces menteuses apparences nous promettant ce qu’elles n’ont pu tenir. L’époque est anarchique, parce qu’elle est immense, parce qu’elle est nouvelle, parce qu’elle est de bonne foi. Cependant à l’inspection de l’observateur, il ne saurait échapper que, depuis trois ans, il s’est fait quelque chose ; les questions ont été posées largement, et dans une perspective d’avenir.

L’avenir ! on se saurait trop avant y plonger son œil ; même c’est