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condité et à l’énergie du principe d’activité qui la réunit. Dés qu’il y a but commun, il y a possibilité et nécessité logique de coordonner la série des actes à accomplir pour atteindre la fin proposée dans un certain temps : donc il y a nécessité d’un gouvernement qui prévoie par quels points il faut passer pour arriver au résultat, et qui arrange et classe les différens mouvemens et leurs divers modes dans l’ordre exigé par la fin même qu’il s’agit d’atteindre. Une démolition peut s’opérer d’une manière anarchique ; toute fondation ressort d’un pouvoir.

Dans la société il n’y a en réalité rien de semblable à ce que l’on appelle jeunesse et décrépitude chez l’individu ; les générations ne se succèdent pas une à une ; tout est mêlé, de telle sorte que la naissance, la mort, l’adolescence, la maturité et la vieillesse, sont toujours présentes en même temps et dans les mêmes rapports numériques. Pour déterminer le but d’activité d’une nation, il faut le trouver par définition du but d’activité de l’humanité. Pour reconnaître le but final de l’humanité, il faut le chercher dans quelque chose qui soit plus qu’elle, dans la formule de la fonction du globe terrestre et du système planétaire auquel il appartient ; car il n’y a que le monde qui soit plus grand que l’humanité.

L’humanité, qui est fonction de l’univers et un des rouages du mécanisme universel, a déjà beaucoup vécu, beaucoup agi ; elle a engendré bien des sociétés différentes ; et toutes ces choses ont été faites incontestablement dans la ligne de ses fonctions universelles. La loi humanitaire est écrite dans ces faits. Donc il faut chercher dans l’histoire, et il est possible d’y trouver la loi de génération des phénomènes sociaux, qui ne peut être autre chose que la manifestation même de la loi fonctionnelle. Il y a donc lieu à une science de l’histoire.

La science de l’histoire est assise sur deux idées : celle de progrès et celle d’analogie des facultés de l’humanité avec celles de l’homme individuel. Nous devons la première à Bacon, et la seconde à Condorcet. Le sentiment progressif, le désir et l’espérance d’un avenir meilleur est toujours vivant et actif dans le cœur de l’humanité ; c’est son état normal. L’antiquité pensait, avec Ocellus de Lucanie, que tout ce qui appartient à ce monde est mobile et changeant. Les sociétés naissent, croissent et meurent comme des hommes pour