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fuser des talens extraordinaires au chef demi sauvage qui en conçut l’idée. Rhadama, d’ailleurs, pouvait se croire un grand homme en voyant le soin avec lequel les Anglais de Maurice recherchaient son amitié. Non contens d’avoir des agens près de lui, ils lui envoyèrent à diverses reprises des présens considérables en armes, équipemens de guerre, vêtemens, meubles précieux et autres objets de toute espèce. Malgré leur empressement à lui plaire, ils ne purent empêcher que sur la fin de sa vie, il ne s’aperçût de leurs intrigues, et ne renvoyât honteusement un de leurs agens.

Revenons maintenant à Sylvain Roux que nous avons laissé occupé d’un projet de colonisation. Il partit pour la France, en 1819, sur la corvette le Golo, emmenant avec lui deux jeunes princes Malgaches, Berora, petit-fils de Jean-René, ancien chef de Tamatave et Mandi-Tsara, fils de Tsifanin, chef de Tintingue. Ces deux jeunes gens étaient destinés à être élevés en France. Le premier y réside encore, à ce que nous croyons, avec le grade d’officier dans un régiment. Le second est mort à Madagascar, où il était retourné, ne pouvant s’habituer au climat d’Europe.

Après de longues intrigues, Sylvain Roux parvint à faire goûter ses projets au gouvernement, qui le nomma capitaine de vaisseau, commandant des établissemens de Madagascar, et lui donna 100,000 fr. dont il employa une partie pour ses besoins particuliers, avant même d’avoir quitté la France. Il partit de Brest sur la corvette la Normande, accompagnée de la gabarre la Bacchante, emmenant environ trois cents hommes, sur lesquels il y avait deux cents ouvriers engagés volontairement dans toute la France, et principalement à Paris. Ces malheureux, trompés, suivant l’usage, sur la nature du pays qu’ils allaient habiter, ne prévoyaient guère le sort qui les attendait. Par une imprudence qu’on ne sait comment qualifier, rien n’avait été préparé à l’avance pour leur réception. L’expédition toucha à Bourbon, et arriva sur les côtes de Madagascar, le 21 décembre 1821, au commencement de l’hivernage, saison toujours fatale aux Européens même acclimatés par un long séjour. Elle avait d’abord été destinée pour Tamatave ; mais pendant l’absence de Sylvain Roux, Rhadama avait continué de s’avancer sur le littoral ; et, pour ne pas compromettre le futur établissement, on résolut de le fixer à Sainte-Marie. Cette petite