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REVUE DES DEUX MONDES.

« Puisque Dieu a commandé que l’homme abandonne père et mère pour s’attacher à sa femme, qu’ils soient deux en une même chair, et qu’on ne sépare point ceux que le seigneur a unis, moi, Hilperik, roi des Franks, homme illustre, à toi Galesvinthe, ma femme bien aimée, que j’ai épousée suivant la loi salique, par le sou et le denier, je donne aujourd’hui par tendresse d’amour, sous le nom de dot et de morgane-ghiba, les cités de Bordeaux, Cahors, Limoges, Béarn et Bigore, avec leurs populations et leurs territoires[1]. Je veux qu’à compter de ce jour, tu les tiennes et possèdes en propriété perpétuelle, et je te les livre, transfère et confirme par la présente charte, comme je l’ai fait par le brin de paille et par le handelang[2]. »

Les premiers mois de mariage furent, sinon heureux, du moins paisibles pour la nouvelle reine ; douce et patiente, elle supportait avec résignation ce qu’il y avait de brusquerie sauvage dans le caractère de son mari. D’ailleurs, Hilperik eut quelque temps pour elle une véritable affection ; il l’aima d’abord par vanité, joyeux d’avoir en elle une épouse aussi noble que celle de son frère ; puis, lorsqu’il fut un peu blasé sur ce contentement d’amour-propre, il l’aima par avarice, à cause des grandes sommes d’argent et du grand nombre d’objets précieux qu’elle avait apportés[3]. Mais après s’être complu quelque temps dans le calcul de toutes ces richesses, il cessa d’y trouver du plaisir, et dès-lors aucun attrait ne l’attacha plus à Galesvinthe. Ce qu’il y avait en elle de beauté morale, son peu d’orgueil, sa charité envers les pauvres, n’était pas de nature à le charmer ; car il n’avait de sens et d’âme que pour la beauté corporelle. Ainsi le moment arriva bientôt où, en dépit

  1. Ex formulis Bignonianis, apud script, rerum francic, tom. iv ; pag. 539. — Ego Chilpericus rex francorum, vir illustris. (Ibid. passim). — Cum terminis et cuncto populo suo. (Greg. Turon. pag. 344.)
  2. Per hanc chartulam libelli dotis, sive per festucam atque per andelangum. (Ex formulis Lindenbrogianis, apud script. rerum francic, t. iv, pag. 555.) — Handelang, que les commentateurs n’expliquent pas, devait signifier serrement de main.
  3. A quo etiam magno amore diligebatur. Detulerat enim secum magnos thesauros. (Gregorii Turonensis hist. Francorum eccl., lib. iv, pag. 217.)