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n’osèrent parler de voyage. Ils laissèrent passer deux jours, et le troisième, ils vinrent de nouveau se présenter devant la reine, en lui annonçant cette fois qu’ils avaient hâte de partir, lui parlant de l’impatience de leur roi et de la longueur du chemin[1]. La reine pleura, et demanda pour sa fille encore un jour de délai. Mais le lendemain, quand on vint lui dire que tout était prêt pour le départ : « Un seul jour encore, répondit-elle, et je ne demanderai plus rien. Savez-vous que là où vous emmenez ma fille, il n’y aura plus de mère pour elle[2] ? » Mais tous les retards possibles étaient épuisés. Atanaghild interposa son autorité de roi et de père ; et, malgré les larmes de la reine, Galesvinthe fut remise entre les mains de ceux qui avaient mission de la conduire auprès de son futur époux.

Une longue file de cavaliers, de voitures et de chariots de bagage, traversa les rues de Tolède, et se dirigea vers la porte du nord. Le roi suivit à cheval le cortége de sa fille jusqu’à un pont jeté sur le Tage, à quelque distance de la ville ; mais la reine ne put se résoudre à retourner si vite, et voulut aller au-delà. Quittant son propre char, elle s’assit auprès de Galesvinthe, et d’étape en étape, de journée en journée, elle se laissa entraîner à plus de cent milles de distance. Chaque jour elle disait : C’est jusque-là que je veux aller, et parvenue à ce terme, elle passait outre[3]. À l’approche des montagnes, les chemins devinrent difficiles ; elle

  1. Instant legati germanica regna requiri,
    Narrantes longæ tempora tarda viæ.
    Sed matris moti gemitu sua viscera solvunt…
    Prætereunt duplices, tertia, quarta dies.

    (Venantii Fortunati carmin. lib. vi, pag. 561.)

  2. Quid rapitis ? differte dies, cum disco dolores,
    Solamenque malè fit mora sola mei.
    Cur nova rura petas, illìc ubi non ero mater ?

    (Ibid.)

  3. Dat causas spatii genitrix, ut longiùs iret ;
    Sed fuit optanti tempus iterque breve.
    Pervenit quò mater, aït, sese inde reverti,
    Sed quod velle priùs, posteà nolle fuit.

    (Ibid. pag. 562.)