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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

gence pour des combinaisons supérieures à celles de l’intérêt du moment, soit désir de conclure à tout prix son mariage avec Galesvinthe, le roi Hilperik n’hésita point à promettre, pour douaire et pour présent du matin, les villes de Limoges, Cahors et Bordeaux, et celles des Pyrénées avec leur territoire[1]. La confusion qui régnait dans les idées des nations germaniques, entre le droit de possession territoriale et le droit de gouvernement, pouvait quelque jour mettre ces villes hors de la domination franke, mais le roi de Neustrie ne prévoyait pas de si loin. Tout entier à une seule pensée, il ne songea qu’à stipuler, en retour de ce qu’il abandonnerait, la remise entre ses mains d’une dot considérable en argent et en objets précieux : ce point convenu, il n’y eut plus aucun obstacle, et le mariage fut décidé.

À travers tous les incidens de cette longue négociation, Galesvinthe n’avait cessé d’éprouver une grande répugnance pour l’homme auquel on la destinait, et de vagues inquiétudes sur l’avenir. Les promesses faites au nom du roi Hilperik par les ambassadeurs franks, n’avaient pu la rassurer. Dès qu’elle apprit que son sort venait d’être fixé d’une manière irrévocable, saisie d’un mouvement de terreur, qu’elle ne pouvait surmonter, elle courut vers sa mère, et jetant ses bras autour d’elle, comme un enfant qui cherche du secours, elle la tint embrassée plus d’une heure en pleurant, et sans dire un mot[2]. Les ambassadeurs franks se présentèrent pour saluer la fiancée de leur roi, et prendre ses ordres pour le départ ; mais, à la vue de ces deux femmes, sanglotant sur le sein l’une de l’autre, et se serrant si étroitement, qu’elles paraissaient liées ensemble, tout rudes qu’ils étaient, ils furent émus et

  1. De civitatibus verò, hoc est Burdegalâ, Lemovicâ, Cadurco Benarno et Begorrâ, quas Gailesuindam, tàm in dote quàm in morgane giba, hoc est matutinali dono, in Franciam venientem certum est adquisisse. (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast., lib. ix, pag. 344.)
  2. Hoc ubi virgo metu audituque exterrita sensit,
    Currit ad amplexus, Goïsuinta, tuos.
    Brachia constringens nectit sine fine catenam,
    Et matrem amplexu per sua membra ligat.

    (Venantii Fortunati carmin. lib. vi, pag. 561)