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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

titude, il s’était fait le poète de la cour ; il adressait au roi et aux seigneurs des pièces de vers latins, qui, si elles n’étaient pas toujours parfaitement comprises, étaient au moins bien reçues et bien payées. Les fêtes du mariage ne pouvaient se passer d’un épithalame ; Venantius Fortunatus en composa un dans le goût classique, et il le récita devant l’étrange auditoire qui se pressait autour de lui, avec le même sérieux que s’il eût fait une lecture publique à Rome sur la place de Trajan.[1]

Dans cette pièce qui n’a d’autre mérite que celui d’être un des derniers et pâles reflets du bel esprit romain, les deux personnages obligés de tout épithalame, Vénus et l’Amour, paraissent avec leur attirail de flèches, de flambeaux et de roses. L’amour tire une flèche droit au cœur du roi Sighebert, et va conter à sa mère ce grand triomphe. « Ma mère, dit-il, j’ai terminé le combat ! » Alors la déesse et son fils volent à travers les airs jusqu’à la cité de Metz, entrent dans le palais, et vont orner de fleurs la chambre nuptiale. Là, une dispute s’engage entre eux sur le mérite des deux époux ; l’Amour tient pour Sighebert, qu’il appelle un nouvel Achille ; mais Vénus préfère Brunehilde, dont elle fait ainsi le portrait :

« Ô vierge, que j’admire, et qu’adorera ton époux, Brunehilde, plus brillante, plus radieuse que la lampe éthérée, le feu des pierreries cède à l’éclat de ton visage. Tu es une autre Vénus, et ta dot est l’empire de la beauté ! Parmi les Néréides qui nagent dans les mers d’Hibérie, aux sources de l’Océan, aucune ne peut se dire ton égale ; aucune Napée n’est plus belle ; et les nymphes des fleuves s’inclinent devant toi ! La blancheur du lait et le rouge le plus vif sont les couleurs de ton teint ; les lys mêlés aux roses, la pourpre tissue avec l’or, n’offrent rien qui lui soit comparable, et se retirent du combat. Le saphir, le diamant, le crystal, l’émeraude et le jaspe sont vaincus ; l’Espagne a mis au monde une perle nouvelle ! »[2]

  1. Vix modò tam nitido pomposa poemata cultu
    Audit Trajano Roma verenda foro.

    (Venantii Fortunati carmina apud script. Rerum francic. tom. ii, pag. 487.)

  2. O virgo miranda mihi, placitura jugali,