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cette bizarre assemblée, la civilisation et la barbarie s’offraient côte à côte et à différens degrés. Il y avait des nobles gaulois, polis et insinuans, des nobles franks, orgueilleux et brusques, et de vrais sauvages, tout habillés de fourrures, aussi rudes de manières que d’aspect. Le festin nuptial fut splendide et animé par la joie ; les tables étaient couvertes de plats d’or et d’argent ciselés, fruit des pillages de la conquête ; le vin et la bierre coulaient sans interruption dans des coupes de jaspe, ou dans des cornes de buffles à rebords d’argent, dont les Germains se servaient pour boire[1]. On entendait retentir, dans les vastes salles du palais, les santés et les défis que se portaient les buveurs, des acclamations, des éclats de rire, tout le bruit de la gaîté tudesque. Aux plaisirs du banquet nuptial succéda un genre de divertissement beaucoup plus raffiné, et de nature à n’être goûté que du très petit nombre des convives.

Il y avait alors à la cour du roi d’Austrasie un Italien que ses quatre noms sonores, Vénantius Honorius Clementianus Fortunatus, contribuaient à faire accueillir en Gaule avec une grande distinction. C’était un homme superficiel, et d’une instruction médiocre, mais qui apportait de son pays quelques restes de cette élégance romaine, déjà presque effacée au-delà des Alpes. Recommandé au roi Sighebert par ceux des évêques et des comtes d’Austrasie qui aimaient encore et qui regrettaient l’ancienne politesse, Fortunatus obtint, à la cour barbare de Metz, une généreuse hospitalité. Les intendans du fisc royal avaient ordre de lui fournir un logement, des vivres et des chevaux[2]. Pour témoigner sa gra-

    immensâ lætitiâ atque jucunditate eam accepit uxorem. (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast. lib. iv, pag. 256.)

  1. Rex enim cùm inter prandendum quoddam vas lapideum vitrei coloris auro gemmisque mirabiliter ornatum juberet afferri plenum mero. (Ex vitâ sancti Fridolini, apud script. Rerum francic. tom. iii, pag. 388.)
  2. Te mihi constituit rex Sigibertus opem,
    Tutior ut graderer tecum comitando viator,
    Atque pararetur hinc equus, indè cibus.

    (Venantii Fortunati carmen ad Sigoaldum, apud script. Rerum francic. tom. ii, pag. 528.)