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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

nouveau mariage que la reine répudiée partit pour sa retraite, où, quinze ans plus tard, elle fut mise à mort par les ordres de son ancienne servante.

Pendant que les trois fils aînés de Chlother vivaient ainsi dans la débauche, et se mariaient à des femmes de service, Sighebert, le plus jeune, loin de suivre leur exemple, en conçut de la honte et du dégoût. Il résolut de n’avoir qu’une seule épouse, et d’en prendre une qui fût de race royale[1]. Athanaghild, roi des Goths établis en Espagne, avait deux filles en âge d’être mariées, et dont la cadette, nommée Brunehilde, était fort admirée pour sa beauté. Ce fut sur elle que Sighebert arrêta son choix. Une ambassade nombreuse partit de Metz, avec de riches présens, pour aller à Tolède, faire au roi des Goths la demande de sa main. Le chef de cette ambassade, Gog, ou plus correctement Godeghisel, maire du palais d’Austrasie, homme habile en toute sorte de négociations, eut un plein succès dans celle-ci, et ramena d’Espagne la fiancée du roi Sighebert. Partout où passa Brunehilde, dans son long voyage vers le nord, elle se fit remarquer, disent les contemporains, par la grâce de ses manières, la prudence de ses discours et son agréable entretien[2]. Sighebert l’aima, et, toute sa vie, conserva pour elle un attachement passionné.

Ce fut en l’année 566 que la cérémonie des noces eut lieu, avec un grand appareil, dans la ville royale de Metz. Tous les seigneurs du royaume d’Austrasie étaient invités par le roi à prendre part aux fêtes de ce jour. On vit arriver à Metz, avec leur suite d’hommes et de chevaux, les comtes des villes et les gouverneurs des provinces septentrionales de la Gaule, les chefs patriarcaux des vieilles tribus frankes demeurées au-delà du Rhin, les ducs héréditaires des Alamans, des Baïwares et des Thorings ou Thuringiens[3]. Dans

  1. Porrò Sigibertus rex, cùm videret quòd fratres ejus indignas sibimet uxores acciperent, et per vilitatem suam etiam ancillas in matrimonium sociarent… (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast., lib. iv, pag. 216.
  2. Erat enim puella elegans opere, venusta adspectu, bonesta moribus atque decora, prudens consilio et blanda colloquio. (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast., lib. iv, pag. 216.)
  3. Ille verò, congregatis senioribus secum, præparatis epulis, cum