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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

gieuse. Sommé de rompre son second mariage par saint Germain, alors évêque de Paris, il refusa obstinément, et fut excommunié. Mais le temps n’était pas venu où l’église devait faire plier sous sa discipline l’orgueil brutal des héritiers de la conquête. Haribert ne s’émut point d’une pareille sentence, et garda près de lui ses deux femmes.[1]

Entre tous les fils de Chlother, Hilperik est celui auquel les récits contemporains attribuent le plus grand nombre de reines, c’est-à-dire de femmes épousées d’après la loi des Franks, par l’anneau et par le denier. L’une de ces reines, Audowere, avait à son service une jeune fille nommée Fredegonde, d’origine franke, et d’une beauté si remarquable que le roi, dès qu’il l’eut vue, se prit d’amour pour elle. Cet amour, quelque flatteur qu’il fût, n’était pas sans danger pour une servante que sa situation mettait à la merci de la jalousie et des vengeances de sa maîtresse. Mais Fredegonde ne s’en effraya point ; aussi rusée qu’ambitieuse, elle entreprit d’amener, sans se compromettre, des motifs légaux de séparation entre le roi et la reine Audowere. Si l’on en croit une tradition qui avait cours moins d’un un après, elle y réussit, grâce à la connivence d’un évêque et à la simplicité de la reine. Hilperik venait de se joindre à son frère Sighebert, pour marcher au-delà du Rhin contre les peuples de la Confédération Saxone ; il avait laissé Audowere enceinte de plusieurs mois. Avant qu’il fût de retour, la reine accoucha d’une fille, et ne sachant si elle devait la faire baptiser en l’absence de son mari, elle consulta Fredegonde, qui, parfaitement habile à dissimuler, ne lui inspirait ni soupçon ni défiance : « Madame, répondit la suivante, lorsque le roi, mon seigneur, reviendra victorieux, pourrait-il voir sa fille avec plaisir, si elle n’était pas baptisée[2] ? » La reine prit ce conseil en bonne part, et Fredegonde se mit à préparer sourdement, à force d’intrigues, le piége qu’elle voulait lui dresser. Quand le jour du baptême fut venu, à l’heure indiquée pour la cérémonie, le baptistaire était orné de

  1. Gregorii Turonensis, lib. iv, pag. 215, et seq.)
  2. Domina mea, ecce dominus rex victor revertitur, quo modo potest filiam suam gratanter recipere non baptisatam ? (Gesta regum francorum, apud script. Rerum francic. tom. ii, pag. 561.)