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quatre frères, Hilperik, partit en grande hâte pour Braine, et força les gardiens de ce domaine royal à lui remettre les clefs du trésor. Maître de toutes les richesses que son père avait accumulées, il commença par en distribuer une partie aux chefs de bande et aux guerriers qui avaient leurs logemens, soit à Braine, soit dans le voisinage. Tous lui jurèrent fidélité, en plaçant leurs mains entre les siennes, le saluèrent par acclamation du titre de Koning[1], et promirent de le suivre partout où il les conduirait. Alors, se mettant à leur tête, il marcha droit sur Paris, ancien séjour de Chlodowig Ier, et plus tard capitale du royaume de son fils aîné, Hildebert. Peut-être Hilperik attachait-il quelque idée de prééminence à la possession d’une ville habitée jadis par le conquérant de la Gaule ; peut-être n’avait-il d’autre envie que celle de s’approprier le palais impérial, dont les bâtimens et les jardins couvraient, sur une vaste étendue, la rive gauche de la Seine. Cette supposition n’a rien d’improbable, car les vues ambitieuses des rois franks n’allaient guère au-delà de la perspective d’un gain immédiat et personnel ; et d’ailleurs, tout en conservant une forte teinte de la barbarie germanique, des passions effrénées et une âme impitoyable, Hilperik avait pris quelques-uns des goûts de la civilisation romaine. Il aimait à bâtir, se plaisait aux spectacles donnés dans des cirques de bois, et, par-dessus tout, avait la prétention d’être grammairien, théologien et poète. Ses vers latins, où les règles du mètre et de la prosodie étaient rarement observées, trouvaient des admirateurs parmi les évêques et les nobles Gaulois qui applaudissaient en tremblant, et s’écriaient que l’illustre fils des Sicambres l’emportait en beau langage sur les enfans de Romulus, et que le fleuve du Wahal en remontrait au Tibre[2] !

  1. Roi, dans le dialecte des Franks. Voy. mes Lettres sur l’Histoire de France, troisième édition, lettre ix, page 151.
  2. Admirande mihi nimiùm rex, cujus opimè
    Prælia robur agit, carmina lima polit.

    (Venantii Fortunati carmina, lib. ix, pag. 580.)

    Cùm sis progenitus clarâ de gente Sycamber,
    Floret in eloquio lingua latina tuo. (Ibid. pag. 560.)

    Erat enim gulæ deditus, cujus deus venter fuit, nullumque se asserebat