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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

uns des métiers alors dévolus aux femmes, comme le tissage et la teinture des étoffes de laine. Chlother, trouvant que, pour le moins, elle égalait sa sœur en beauté, la prit avec lui, l’installa dans la chambre royale et lui donna le titre d’épouse. Au bout de quelques jours, il revint auprès d’Ingonde, et lui dit, avec ce ton de bonhomie sournoise, qui était l’un des traits de son caractère et du caractère germanique : « La grâce que ta douceur désirait de moi, j’ai songé à te l’accorder ; j’ai cherché pour ta sœur un homme riche et sage, et n’ai rien trouvé de mieux que moi-même. Apprends donc que j’ai fait d’elle mon épouse, ce qui, je pense, ne te déplaira pas. — Que mon seigneur, » répondit Ingonde, sans paraître émue, et sans se départir aucunement de son esprit de patience et d’abnégation conjugale, « que mon seigneur fasse ce qui lui semble à propos, pourvu seulement que sa servante ne perde rien de ses bonnes grâces[1]. »

En l’année 561, après une expédition contre l’un de ses fils, dont il punit la révolte en le faisant brûler avec sa femme et ses enfans, Chlother, dans un calme parfait d’esprit et de conscience, revint à sa maison de Braine. Là, il fit ses préparatifs pour la grande chasse d’automne, qui était chez les Franks une espèce de solennité. Suivi d’une foule d’hommes, de chevaux et de chiens, le roi se rendit à la forêt de Cuise, dont celle de Compiègne, dans son état actuel, n’est qu’un mince et dernier débris. Au milieu de cet exercice violent qui ne convenait plus à son âge, il fut pris de la fièvre, et s’étant fait transporter sur son domaine le plus voisin, il y mourut après cinquante ans de règne. Ses quatre fils, Haribert, Gonthramn, Hilperik et Sighebert, suivirent son convoi jusqu’à Soissons, chantant des psaumes et portant à la main des flambeaux de cire. À peine les funérailles étaient-elles achevées, que le troisième des

  1. Tractavi mercedem illam implere, quam me tua dulcedo expetiit. Et requirens virum divitem atque sapientem, quem tuæ sorori deberem adjungere, nihil meliùs quàm me ipsum inveni. Itaque noveris quia eam conjugem accepi, quod tibi displicere non credo. At illa : Quod bonum, inquit, videtur in oculis domini mei faciat : tantùm ancilla tua cum gratià regis vivat. (Gregorii Turonensis hist. Francorum ecclesiast., lib. iv, p. 205.)