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plus touchante harmonie ; ce tendre et bienfaisant consolateur, que nul désormais ne consolera, a dit en s’adressant à Mme Valmore :


Du poète c’est le mystère :
Le luthier qui crée une voix
Jette son instrument à terre,
Foule aux pieds, brise comme un verre
L’œuvre chantante de ses doigts.

Puis d’une main que l’art inspire,
Rajustant ces fragmens meurtris,
Réveille le son et l’admire,
Et trouve une voix à sa lyre
Plus sonore dans ses débris !…

Ainsi le cœur n’a de murmures
Que brisé sous les pieds du sort !… etc. etc.


Cette image du violon brisé, puis rajusté et trouvé plus sonore, cette particularité technique, si difficile, ce semble, à rencontrer et à exprimer, et qui prouve que les poètes savent toujours ce dont ils ont besoin, s’applique en toute exactitude à Mme Desbordes-Valmore, sauf que le rajustement mystérieux est demeuré inachevé en quelques points ; imperfection, d’ailleurs, qui nuit peu à l’ensemble et qui est une grâce.

Les Pleurs, qui viennent de paraître, avec plus de rhythme et de couleur que les précédens volumes, offrent aussi, l’avouerai-je, plus d’obscurité par momens et de manière. Le paysage, quand il y a un paysage, est beaucoup plus vif et distinct que celui que nous avons vu dans les idylles ; tous les objets s’y dessinent et quelquefois y reluisent trop. Le rhythme serré a remplacé les vers libres, dont l’usage était familier à Mme Valmore ; enchâssée là-dedans, parsemée de paillettes étrangères et d’un brillant minutieux, les ellipses de la pensée échappent, se dérobent davantage et de là cette obscurité de sens au milieu et à cause du plus de couleur. Il y a une ou plusieurs épigraphes à chaque pièce : en lisant les poètes dont les écrits ont eu la vogue dans ces dernières années, Mme Valmore s’en est affectée et teinte peut-être à son insu ;