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REVUE. — CHRONIQUE.

Sait ranimer du cœur la voix long-temps muette,
Embellir le présent du passé qu’on regrette,
Et, nous cachent les maux qui pourraient le ternir,
Comme un rêve sonore, évoquer l’avenir.
Tous ces vers, dont l’esprit est l’écho tributaire,
Y traînent après eux le limon de la terre :
La musique, plus pure, est une voix du ciel
Qui rend, en l’écoutant, l’homme immatériel.
On dirait qu’échappé aux astres d’Ausonie,
Un ange étend sur nous ses réseaux d’harmonie.
Ou, caressant nos fronts de ses ailes d’encens,
Comme un parfum subtil se glisse dans nos sens.
Langue des séraphins, que parlait Cimarose,
Toi seule nous instruis de notre apothéose !
Que du barde, un instant, le génie exalté
S’élance de ce monde à l’immortalité,
Son vol poudreux et lourd touche à peine à la nue ;
Mais toi, fleuve échappé d’une mer inconnue,
Dont la pente y remonte en flots mélodieux,
Tu remportes notre âme à la source des cieux.


Les accens du poète auront beau l’entreprendre,
Ils reçoivent la vie, et ne peuvent la rendre :
Créateurs impuissans, nos plus mâles accords,
Quand ils veulent créer, galvanisent des morts :
Éclair capricieux, la rapide pensée,
Dans les nœuds du langage, expire embarrassée :
Perdu dans le dédale et la nuit du discours,
Un rayon de bonheur s’éteint dans leurs détours ;
La mémoire, infidèle au but qu’elle s’impose,
Oublie, en les contant, tous les faits qu’elle expose ;