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formules apprises par cœur qu’ils débitent[1]. Les essais plus hardis qu’heureux des Bretons qui ont essayé de raviver par la science la nationalité de leur pays, n’ont été accueillis que par la risée. Moi-même j’ai vu à T*** le savant ami de Le Brigant, le vieux M. D*** (qu’ils ne connaissent que sous le nom de M. Système). Au milieu de cinq ou six mille volumes dépareillés, le pauvre vieillard, seul, couché sur une chaise séculaire, sans soin filial, sans famille, se mourait de la fièvre entre une grammaire irlandaise et une grammaire hébraïque. Il se ranima pour me déclamer quelques vers bretons sur un rhythme emphatique et monotone, qui, pourtant, n’était pas sans charme. Je ne pus voir, sans compassion profonde, ce représentant de la nationalité celtique, ce défenseur expirant d’une langue et d’une poésie expirante.


Michelet
  1. Ces faits, et plusieurs autres, m’ont été confirmés par M. le Lédan, libraire et antiquaire distingué de Morlaix. Je dois d’autres détails de mœurs à diverses personnes du pays. J’ai consulté, entre autres Bretons, M. de R. fils, d’une des familles les plus distinguées de Brest ; j’ai toute confiance dans la véracité de ce jeune homme.