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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

toujours plus distantes les unes des autres au fur et à mesure qu’elles s’éloignent du centre ; au-delà de ces maisons, le lac bleu, uni comme un miroir ; à l’un des bouts de ce lac, Genève, dont les toits et les dômes de zinc brillent au soleil, comme les coupoles d’une ville mahométane ; enfin, à l’autre extrémité, la gorge sombre du Valais, que dominent de leurs arêtes neigeuses la Dent de Morcle et la Dent du Midi.

Ce plateau est le rendez-vous de la ville ; mais comme il est exposé à l’occident, il y vient toujours, de la cime des monts couverts de glace qui bornent l’horizon, un vent aigu, dangereux pour les enfans et les vieillards. Le conseil d’état vient de décider, en conséquence, qu’il sera fait, sur le versant méridional de la ville, une promenade destinée à la vieillesse et à l’enfance, qui, faibles toutes deux, ont toutes deux besoin de soleil et de chaleur. Cette promenade coûtera 150,000 francs : ne dirait-on pas une décision des Éphores de Sparte ?

La Suisse n’a ni galères ni bagnes, mais seulement des maisons pénitentiaires. C’était l’une d’elles que nous allions visiter ; ainsi, les hommes que nous allions voir, c’étaient des forçats. Nous y entrâmes avec cette pensée ; mais cela ressemblait si peu à nos prisons de France, que nous nous crûmes tout simplement dans un hospice.

Les détenus étaient en récréation, c’est-à-dire qu’ils pouvaient se promener une heure dans une belle cour, qui leur est consacrée ; nous les vîmes par une fenêtre, causant par groupes. On nous fit remarquer que quelques-uns avaient des habits rayés vert et blanc, et portaient une espèce de ferrement au cou : ceux-là étaient les galériens.

Nous allâmes à une fenêtre en face, et nous vîmes dans un jardin des femmes qui se promenaient : c’était le jardin des Madelonnettes et du Saint-Lazare vaudois.

Nous visitâmes ensuite les petites chambres isolées dans lesquelles couchent les détenus ; c’étaient de jolies cellules, dont les grilles faisaient seules des prisons : chaque cellule était garnie des meubles nécessaires à l’usage d’une personne. Quelques-unes même avaient une petite bibliothèque, car il est loisible aux détenus de consacrer à la lecture les heures de la récréation.