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morceau d’ensemble était presque impossible, et ce n’est que depuis peu de temps que les Anglais ont fait quelque progrès à cet égard. On pourrait cependant tirer parti de quelques chanteurs ; mais il faudrait pour cela plus de savoir, d’expérience, de goût et de zèle qu’on n’en pourrait trouver dans toute l’Angleterre. Braham eut autrefois un talent réel qui s’était développé en Italie ; mais plus de quarante-cinq ans se sont écoulés depuis son premier début au théâtre royal, et la belle voix dont la nature l’avait doué a fini par céder à un si long exercice. Dans l’opéra italien, il chantait avec une vocalisation naturelle, et sans forcer sa voix ; mais l’habitude de jouer au théâtre anglais depuis plusieurs années, lui a donné le défaut de crier, parce que le peuple anglais aime surtout les voix fortes et éclatantes. L’affaiblissement de ses moyens se manifeste par son intonation, qui est souvent au-dessous du ton. Comme acteur, il est complètement ridicule ; mais le public anglais ne s’aperçoit point de tout cela : il suffit qu’il revoie le même Braham qui, depuis si long-temps, est l’objet de ses affections, pour qu’il soit satisfait ; et il en sera de même tant que ce chanteur aura la force de monter sur la scène.

Madame Wood (miss Paton), la première cantatrice de l’Angleterre, a eu aussi un talent assez remarquable. Bonne musicienne, elle joue bien du piano, de la harpe, et chante avec beaucoup d’expression les airs anglais et écossais ; mais le désir de plaire à un public ignorant lui a fait prendre l’habitude de forcer sa voix, et son intonation est souvent fort défectueuse. J’ai entendu miss Love ; elle possédait une belle voix de contralto, qu’elle maintenait dans ses cordes naturelles ; elle criait moins que madame Wood, mais elle n’avait pas sa facilité de vocalisation. Les habitués de Drury-Lane l’aimaient beaucoup.

Parmi les ténors, on trouve encore un certain M. Wood qui jouit de la faveur publique, et que j’ai trouvé détestable. Je l’ai entendu à Covent-Garden, dans The maid of Judas, traduction ou parodie d’Ivanhoe ; il m’a paru n’être propre qu’à pousser des cris. Les autres prétendus ténors sont encore pires que celui-là. Quant aux basses, il y en a deux qui méritent d’être distinguées : ce sont Sapio et Phillips. Ce dernier possède une belle voix et une manière