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Il est d’autres inconvéniens attachés à l’Opéra italien de Londres, qui sont les conséquences de la brièveté des saisons musicales. Ces saisons sont une sorte de foire, ou, si l’on veut, de campement provisoire de la société dans la capitale de l’Angleterre. Dans le fait, cette saison ne dure ordinairement pas plus de trois mois et demi. C’est pendant ce court espace de temps que tout doit se faire. La haute société, qui vit dans ses terres ou sur le continent pendant plus des deux tiers de l’année, vient fournir pendant le reste du temps un aliment à l’industrie des artistes et des spéculateurs de tout genre. Alors les professeurs de musique doivent gagner en peu de jours de quoi subvenir à toutes leurs dépenses dans le pays où il en coûte le plus pour vivre ; alors les concerts se multiplient de telle sorte qu’il serait absolument impossible que les mêmes personnes pussent assister à tous ceux qui se succèdent sans interruption. Chacun se croit en droit de donner de ces concerts à bénéfice ; ceux qui n’ont point assez de talent pour y attirer par eux-mêmes, spéculent sur le talent d’autrui et le paient. Dans l’espace de deux mois, j’ai entendu quatre-vingts concerts de ce genre : souvent il y en avait quatre ou cinq dans le même jour. Or, la plupart des chanteurs italiens sont engagés pour chanter dans ces concerts, à raison de quinze ou vingt guinées chacun. Si l’on ajoute à cela les soirées musicales qui se donnent dans les maisons particulières, on aura une idée du tourbillon de musique, et surtout de mauvaise musique, dans lequel on vit à Londres pendant quelques mois. Ces concerts, ces soirées, qui sont, en quelque sorte, l’objet principal du séjour des chanteurs dans la capitale de l’Angleterre, sont une plaie pour l’entrepreneur du théâtre italien, et surtout pour la bonne musique. Les soirées musicales se prolongeant toujours très avant dans la nuit, on se lève tard, et les répétitions du théâtre ne peuvent commencer avant midi. À deux heures, les concerts commencent. On est à peine arrivé au final du premier acte que déjà la prima donna, le tenor et le primo basso quittent la partie pour ne point perdre les vingt guinées qui leur sont assurées. En vain le directeur fait-il usage de son éloquence pour démontrer que la pièce n’est point sue, et que la représentation ira mal le lendemain. — Monsieur, je sais mon rôle. — À la bonne heure, mais mademoiselle *** ne sait pas le sien ! — Qu’elle