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énergie se trouvent aussi dans l’orchestre français ; mais il s’y joint une jeunesse, une finesse d’intention qu’on chercherait vainement à Londres. On sait par quelle délicatesse de nuances cet admirable orchestre du Conservatoire a porté au plus haut degré l’exaltation de l’auditoire ; ces nuances ne sont indiquées que d’une manière très faible par les musiciens du concert philharmonique, et rarement ils ont ce que nous nommons de la chaleur. Leur exactitude est irréprochable, mais leur sensibilité est médiocre. Toutefois, comme je viens de le dire, ce n’est que par comparaison avec le bel orchestre du Conservatoire, que je suis conduit à faire ces remarques. Quiconque n’a point entendu celui-ci est satisfait sans restriction du concert philharmonique ; c’est ce que j’ai pu voir par l’opinion de quelques étrangers capables de bien juger de la musique.

Il est d’autres concerts de souscription établis à Londres. Une société d’amateurs en a fondé un dans la cité ; mais l’exécution y est fort médiocre. On donnait aussi, il y a quelques années, vers le temps de Pâques, de certains concerts spirituels qu’on désignait sous le nom d’Oratorios ; mais l’entreprise de ces concerts a toujours été ruineuse pour ceux qui s’en sont chargés, et l’on semble y avoir renoncé. Au reste, rien n’était moins capable de satisfaire le goût d’un musicien que ces prétendus oratorios ; ce n’était pas, comme on pourrait le croire, des ouvrages entiers, tels que le Messie ou les Macchabées de Handel, qu’on y entendait, mais une sorte de pot-pourri de morceaux de tout genre, de solos d’instrumens, de musique d’église, d’airs d’opéras et même de chansons anglaises. J’ai entendu une de ces séances à Covent-Garden. Le programme était composé d’environ quarante morceaux, dont la plupart furent au-dessous du médiocre ; cependant l’auditoire en fit recommencer à peu près douze, en sorte que le concert, qui avait commencé à sept heures du soir, finit à peu près à deux heures du matin. Jamais ennui plus fatigant ne m’a inspiré plus de dégoût pour la musique, que celui que j’ai éprouvé dans cette interminable soirée.

Un examen approfondi de l’histoire de la musique démontre que cet art n’a d’existence solide chez les Européens que par l’église. Les théâtres même ne peuvent prospérer sans le secours des cha-