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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

Nous descendîmes pour demander à notre hôte le nom de ces glaciers et de ces pics ; pendant qu’il nous les désignait, un chasseur passa près de nous, une carabine à la main, et deux chamois sur ses épaules : c’étaient une chevrette et son faon ; tous deux étaient tués à balle franche : Bas-de-Cuir n’aurait pas fait mieux.

L’hôte, qui vit que nous étions des curieux, s’approcha de nous, et nous proposa de nous faire voir les bains du roi ; nous apprîmes ainsi que Pré-Saint-Dizier possédait une source d’eau thermale : nous eûmes l’imprudence d’accepter.

Notre hôte nous conduisit alors vers une mauvaise baraque de plâtre, qu’il nous fallut visiter des combles aux caveaux ; il ne nous fit pas grâce d’une casserole de la cuisine ni d’une éponge de la salle de bain. Nous croyions enfin être quittes de l’inventaire, lorsqu’en sortant, il nous fit remarquer sous le péristyle un clou auquel sa majesté daignait suspendre son chapeau.

Je me sauvai donnant à tous les diables le roi de Sardaigne, de Chypre et de Jérusalem : mon apostrophe fit naturellement tomber la conversation sur la politique, et comme il y avait entre nous six des représentans de quatre opinions différentes, une discussion s’engagea ; en arrivant à Bourg-Saint-Maurice, nous disputions encore ; nous avions fait huit lieues sans nous en apercevoir. Le moins enroué de nous se chargea de demander le dîner.

Cette opération terminée, comme il nous restait encore quatre heures de jour, nous nous étendîmes dans deux charrettes, qui se mirent gravement en route, et ne s’arrêtèrent qu’à onze heures sonnant à l’hôtel de la Croix-Rouge à Moustier.

Cette petite ville n’a rien de remarquable que ses salines ; nous les visitâmes le lendemain matin.

L’établissement est situé à une demi-lieue à peu près de la source qu’il exploite : cette source, en sortant de terre, contient une partie et demie de matières salines sur cent parties d’eau. Pendant le trajet, l’évaporation enlevant une partie de l’eau, la proportion de sels est devenue beaucoup plus considérable au moment où le liquide est soumis à l’action de la pompe. Cette pompe élève à une hauteur de trente pieds l’eau qui se distribue en une multitude de petits canaux, d’où elle retombe sur des milliers de cordes. Cet état extrême de division rend l’évaporation de la partie aqueuse