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DE LA MUSIQUE EN ANGLETERRE.

fluence sur l’état général de l’art dans le pays. L’Académie royale de musique ne se rattache point à un grand système d’éducation musicale, en sorte que ses bienfaits sont, pour ainsi dire, perdus pour la masse de la population. Si l’instruction y était gratuite, si le nombre des élèves y était conséquemment plus considérable et se renouvelait plus souvent, les fruits de cette institution seraient plus généralement goûtés ; mais il ne faudrait pas qu’elle fût unique dans la Grande-Bretagne : il faudrait qu’un grand nombre d’écoles du même genre, en multipliant les produits, popularisât les notions de musique dans toute l’Angleterre, et que la nation ne restât pas à cet égard dans l’état de barbarie où elle est plongée.

Si l’on examine attentivement l’Angleterre, on est frappé de la contradiction qui s’y manifeste entre la marche accélérée d’une civilisation supérieure à tout ce qu’on connaît dans le reste du monde, et l’attachement à d’anciennes institutions ou à de gothiques usages. D’une part, tous les efforts ont pour but d’améliorer la condition humaine ; de l’autre, on semble vouloir perpétuer le souvenir de ce que fut le pays dans des temps de barbarie. Ainsi, au milieu des magnificences de Portland-Place et de Regent-Park, se retrouvent les mesquines entrées des maisons bourgeoises de Londres au dix-septième siècle ; ainsi, près des larges proportions des rues, des places et des monumens, on voit bâtir des églises gothiques, et conserver avec soin, dans les meubles et dans les ajustemens, les traces du goût le plus suranné ; ainsi, dans la plus belle ville de l’Europe, le roi continuait naguère d’habiter une masure, qu’on appelle le palais de Saint-James, uniquement parce que cette masure a été bâtie par Henri vi. Je pourrais citer une multitude d’exemples du même genre, en toutes choses ; mais je dois me renfermer dans ce qui concerne la musique, et je vais parler de deux institutions dont l’objet est aussi de conserver le goût de l’ancienne musique anglaise, en opposition aux progrès actuels de l’art moderne.

Plusieurs sociétés musicales existent à Londres ; chacune a son objet spécial. La société des Glees est instituée pour la conservation des mélodies anglaises, avec refrains en chœur ; la société des Catches ne s’occupe que des canons à plusieurs voix ; les Mélodistes ont un but à peu près semblable à la société des Glees ; les Harmonistes