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doctorat son ancien lustre, en le lui conférant ; mais les pauvres docteurs anglais d’aujourd’hui se montrent si peu dignes de leur illustre confrère, que ce titre est devenu grotesque.

Handel, avec son génie élevé, sa science profonde et sa fécondité prodigieuse, vint, au commencement du dix-huitième siècle, consoler l’Angleterre de l’état déplorable de sa musique, en se naturalisant Anglais, en composant tous ses beaux ouvrages sur des paroles anglaises, et en donnant ses soins au perfectionnement de l’exécution. Alors commença la domination des musiciens étrangers à Londres. Tous les grands chanteurs furent successivement appelés de l’Italie ; les instrumentistes les suivirent. Géminiani fonda une école de violon ; plus tard, Abel, Chrétien Bach, Cramer le père, Clémenti, J.-B. Cramer, Dussek, Viotti, Dragonetti et beaucoup d’autres grands artistes vinrent successivement se fixer à Londres, et travaillèrent à y perfectionner le goût de la population. Mais par une singularité bien remarquable, ils ne purent jamais venir complètement à bout de leur dessein, et la musique semblait être, en Angleterre, comme certaines plantes exotiques qui ne vivent sur un sol différent de celui qui les a vues naître, qu’à force de soins et en serre chaude. Les oratorios de Handel, exécutés quelquefois par des masses imposantes de cinq ou six cents musiciens, avec un effet dont on n’a point d’idée en France et en Italie, semblaient, cependant, montrer en certaines occasions que les Anglais ont le sentiment de ce qui est grand et beau ; mais, à côté de ces larges proportions, le goût et l’habitude des choses les plus mesquines se faisaient remarquer. Du reste, si l’on excepte madame Billington et Braham, l’Angleterre n’a produit aucun talent d’exécution d’un ordre très élevé avant la fin du dix-huitième siècle. L’éducation des Anglais, en ce qui concerne la musique, paraissait recommencer chaque année ; et, si quelque apparence d’amélioration semblait se manifester de temps en temps, ce n’était que dans la haute société, c’est-à-dire, dans une classe qui use des arts, mais qui, dans aucun pays, ne contribue à leurs progrès d’une manière efficace. Le peuple et les classes moyennes restaient étrangères à ces velléités de perfectionnement du goût musical, parce que de pareils résultats ne peuvent devenir généraux que par l’éducation publique.

Ce bienfait d’une éducation publique, sous le rapport de la mu-