Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
REVUE. — CHRONIQUE.

déjà été tentées à diverses reprises ; ce n’est pas autre chose que la réunion de vieux débris, très respectables sans doute, mais dont la place est dans les magasins du théâtre, et un appel à la brosse du décorateur. Ce n’est pas tout à fait ainsi que nous entendions l’affaire. Jamais nous n’avons douté qu’avec de l’argent, on ne pût avoir un théâtre dit français, deux même si l’on voulait, et un Opéra-Comique par-dessus le marché. Nous avons bien certains cours dont tout le personnel se compose du professeur et d’un auditeur unique. C’était le moral qui nous inquiétait, les vieilles habitudes difficiles à secouer, l’infusion de nouveaux élémens de vie dans ce corps usé et dépourvu de chaleur. Malheureusement tout cela ne se trouve pas compris dans le budget des beaux-arts, et le théâtre régénéré s’en apercevra bientôt.

Pour aider de leur côté à l’entreprise, seize auteurs dramatiques, la plupart académiciens, se sont réunis pour adresser à M. Thiers une pétition collective en faveur des belles traditions et de mademoiselle Duchesnois. Nous ne sommes probablement pas les seuls qui n’aient pu retenir un sourire, en voyant l’auteur d’Antony égaré dans les rangs de cette petite phalange classique, entre M. Étienne d’un côté, et M. Roger de l’autre. Voilà qui ressemble furieusement à une épigramme. — Nous n’avons, du reste, aucune objection à faire à la rentrée au théâtre d’un des plus beaux talens de l’empire. Pour nous les ruines de toute espèce sont choses saintes.

Deux ou trois vaudevilles, qui ont obtenu plus ou moins de succès, composent tout le bagage dramatique de cette quinzaine, avec Bergami, long et pesant drame que la Porte-Saint-Martin préparait depuis long-temps. — Succès de curiosité.


LES ROUERIES DE TRIALPH, NOTRE CONTEMPORAIN.


Les Roueries de Trialph[1], par M. Lasailly, sont une de ces fantaisies à part qui ne peuvent être jugées équitablement qu’autant qu’on est initié à la pensée secrète qui leur a donné naissance. La critique n’aurait pas assez d’anathèmes pour ce livre pris au sérieux, tant il y a d’un bout à l’autre de dévergondage dans les idées, de décousu dans les faits, d’anomalies bizarres dans le style. Mais si vous voyez dans Trialph ce qu’a voulu en faire l’auteur, c’est-à-dire un type à la manière de Cervantes, un emblème vivant et ironique de ce siècle, dont les passions factices sont dans la tête et non dans le cœur, alors vous vous sentirez disposé à émettre un juge-

  1. Chez Sylvestre, rue Thiroux.