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MÉLANGES.


blables à des brêmes, et qui tantôt s’enfonçait à leur suite dans la profondeur du fleuve, tantôt les ramenait devant lui jusqu’à la surface.

Si j’étais attentif à suivre les mouvemens de l’animal, les mouettes ne l’étaient pas moins que moi. De quelque côté qu’il se dirigeât, elles volaient en troupe au-dessus de lui ; chaque fois qu’il ramenait le poisson à leur portée, deux ou trois se laissaient tomber comme des masses de plomb, et il était rare qu’une d’elles au moins ne fît pas prise. J’en vis une qui venait d’enlever un poisson de taille assez raisonnable, poursuivie par un caracara, et obligée pour échapper de se dessaisir de son butin. Ce poisson tomba sur le sable ; mais, au moment où le voleur allait s’en emparer, un chat appartenant à un des Indiens le saisit. Moi, à mon tour, je courus après le chat, et grâce à quelques secours de la part des assistans, j’obtins le poisson qui était un petit Pimelode ; j’aurais souhaité le conserver dans l’eau de vie ; malheureusement mes bateliers ne m’en avaient pas laissé une goutte, de sorte que je n’eus rien de mieux à faire que de le frire pour mon souper. Seulement j’en fis un dessin, que je conserve encore comme souvenir de ce fait singulier.

Le marsouin, dont je viens de parler, ne servait de pourvoyeur qu’aux oiseaux ; mais, s’il en faut croire Pline, ses pareils ont, dans certains pays, rendu aux hommes le même genre de service. Voici ce qu’il dit à ce sujet livre ix, chapitre 9.

« Dans la province narbonnaise, au territoire de Nîmes, est un étang nommé Latéra, où les dauphins s’associent avec l’homme pour la pêche. À certaine époque de l’année, les muges profitent d’un reflux pour s’élancer vers la mer par l’étroite embouchure de l’étang. On ne peut tendre alors les filets qui ne résisteraient pas à la double pression exercée par le courant et par les efforts de cette troupe innombrable de poissons. Ces animaux d’ailleurs ont l’adresse non-seulement de choisir l’instant favorable, mais encore de se diriger vers le large par un point où il y a des gouffres profonds et de quitter au plus tôt le seul lieu propre à tendre des filets ; mais les gens du pays qui connaissent l’époque de cette migration, et pour qui la pêche des muges est une véritable fête, sont déjà sur le rivage, et font retentir l’air du nom de Simon[1]. Les dauphins entendent bien-

    naît sous le nom de toninas. On en trouve de même dans plusieurs de ses affluens ; M. de Humboldt les a observés dans la rivière Temi, et moi j’en ai vu dans le Meta, aussi haut que Guanapalo. Le Gange a aussi son dauphin.

  1. Chez les Romains, le peuple donnait aux dauphins ou marsouins le nom familier de Simon, dérivé du mot simus (qui a le nez retroussé), peut-être parce qu’ils comparaient à un nez la protubérance placée au-dessus du museau, peut-être