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et généralisé une remarque d’Aristote sur les changemens que subit, par l’effet de l’âge, le plumage des femelles chez certains oiseaux ; dans celui-ci, je donnerai la confirmation d’un passage du même auteur dont l’exactitude était regardée comme beaucoup plus douteuse.


ASSOCIATION DE L’HOMME ET DES ANIMAUX SAUVAGES,
POUR LA CHASSE ET LA PÊCHE.


« Dans cette partie de la Thrace nommée autrefois Cédropolis, il se fait, dit Aristote, dans le voisinage des marais, une chasse aux oiseaux en commun entre l’homme et le faucon. Les hommes battent avec des perches les roseaux et les buissons, et font partir les petits oiseaux : les faucons se montrent en l’air, et poursuivent ces oiseaux, que la crainte force à se rabattre vers la terre où les hommes les tuent à coups de perches. Le gibier pris, on en abandonne une part aux faucons. »

Le livre de Mirabilibus Auscultationibus attribué à Aristote reproduit ce fait avec quelques différences, et en y joignant une circonstance qui le rend encore plus invraisemblable. Voici ce passage :

« Dans la partie de la Thrace qui est au-dessus d’Amphipolis, on conte qu’il se fait une chasse étrange, et qui semble tenir du prodige. Les enfans, dit-on, sortent des bourgs pour chasser à l’oiseau. Arrivés au lieu convenable, ils appellent les faucons qui arrivent aussitôt à leur voix, et rabattent le gibier dans les buissons, où les enfans le tuent à coups de gaule. Ce qui semblera plus singulier encore, c’est que, lorsque les faucons ont pris eux-mêmes un oiseau, ils le jettent aux petits chasseurs : ceux-ci, à leur tour, leur laissent une part du butin. »

On a pensé que ces deux passages n’étaient que l’expression défigurée des procédés de la fauconnerie, sorte de chasse qui était en usage dans la Perse et dans plusieurs parties de l’Asie, plus de dix siècles avant qu’elle ne fût connue dans notre occident. Il se pourrait bien cependant que le fait fût exactement tel que le rapportent Aristote et l’auteur du traité de Mirab. Ausc.. Voici, en effet, ce qui se pratique encore aujourd’hui dans un pays de l’Amérique méridionale.

Sur le plateau de Santa-Fe de Bogota dans la Colombie, on trouve plusieurs lacs et marais, qui, pendant une grande partie de l’année, sont couverts d’une multitude de canards de trois ou quatre espèces différentes. Ces oiseaux affectionnent surtout certaines pièces d’eau, situées dans les environs du petit village de Suacha, et ils y nagent en troupes de plusieurs milliers. Tout près de là sont quelques rochers escarpés, sur le sommet des-