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n’a vu respirer l’air à la surface, pourraient bien être dans le même cas que le blemus fulvescens.


OBSERVATIONS SUSPECTES DES ANCIENS
CONFIRMÉES PAR DES OBSERVATIONS RÉCENTES.


Pendant bien des siècles, le témoignage des anciens dans les questions relatives aux sciences naturelles fut mis si fort au-dessus du témoignage des sens, que, lorsqu’un fait nouveau venait à être signalé, le premier soin était, non de chercher à le constater par de nouvelles observations, mais de s’assurer s’il était conforme aux opinions émises par les savans grecs et romains. L’entêtement sur ce point était si grand, que plus d’une fois l’auteur d’une découverte utile dut, pour la faire accepter à ses contemporains, l’attribuer à Galien, à Pline ou à Aristote, et soutenir cette étrange imposture, en forgeant des textes ou torturant le sens de quelque passage obscur. On ne prend pas aujourd’hui plus de peine pour s’assurer les honneurs de l’invention, qu’on en prenait alors pour s’y soustraire.

Long-temps encore après que, dans les sciences, on eut commencé à secouer le joug de l’autorité, et lorsque déjà la physique, l’anatomie, la physiologie, etc., étaient tout à fait émancipées, l’histoire naturelle proprement dite continuait à jurer par la parole du maître. Le moment arriva pourtant, où la réaction fut complète sur tous les points, et les naturalistes, avec la ferveur ordinaire à de nouveaux convertis, brûlèrent ce qu’ils avaient adoré. Dès-lors tout ce qui, dans les écrits des anciens, parut, je ne dis pas contraire, mais seulement différent de ce qu’avaient appris les observations modernes, fut rejeté avec dédain comme entaché d’erreurs ou de mensonge. Il y eut un luxe de scepticisme, comme il y avait eu un excès de crédulité, et il serait difficile de dire lequel de ces deux travers était le plus impertinent.

Aujourd’hui, l’on revient vers un juste milieu, et l’on reconnaît que, si, pour tout ce qui tient à l’organisation interne, les observations des anciens méritent en général peu de confiance, il n’en est pas de même pour celles qui concernent l’habitude extérieure et les mœurs des animaux. Déjà plusieurs faits étranges indiqués par eux, et relégués long-temps au rang des fables, ont été constatés de nouveau, et trouvés vrais jusque dans leurs moindres détails. On a vu qu’ils avaient des notions très justes et très étendues, non-seulement sur les animaux de nos pays, mais encore sur plusieurs espèces remarquables des contrées lointaines, et que, par exemple, l’histoire de l’éléphant est beaucoup plus complète dans Aristote qu’elle ne l’est dans Buffon.