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REVUE DES DEUX MONDES.


MOEURS DES INSECTES.

INSECTE QUI PASSE LA PLUS GRANDE PARTIE DE SA VIE SOUS LA MER.


Les recherches de M. Dutrochet sur le renouvellement de l’air respirable, dans les branchies des insectes aquatiques, fourniront une explication pour divers cas de respiration anormale observés chez des insectes à trachée. Déjà l’auteur lui-même nous l’avait fait voir pour la larve du potamogeton lucens, et M. Audouin vient aujourd’hui en faire connaître un second exemple pour un insecte parfait de la famille des carabiques. L’observation date de plusieurs années, et M. Audouin avait hésité jusqu’ici à la communiquer, parce qu’elle lui semblait inexplicable.

En 1822, se trouvant à l’île de Noirmoutier près de l’embouchure de la Loire, M. Audouin profita d’une marée très basse pour explorer des parties habituellement recouvertes par la mer, dans le but d’y récolter des crustacés et d’autres animaux marins. S’étant avancé à plus de deux cents toises sur ces plages, il fut tout étonné d’y rencontrer, dans un point que le flot venait à peine de quitter, un petit insecte qui courait précipitamment sur les pierres et les fucus. Au premier abord, reconnaissant cet insecte pour appartenir à la famille des carabiques, dont toutes les espèces sont carnassières et constamment terrestres, il pensa qu’il se trouvait là accidentellement ; mais il ne tarda pas à en voir un grand nombre d’autres, qui ne paraissaient nullement dépaysés, et même il en trouva qui se faisaient l’amour. Il était évident, par conséquent, qu’ils étaient là dans les habitudes ordinaires de leur vie.

Ces insectes avaient-ils abandonné le rivage au moment du reflux, et, ainsi que l’observateur, suivi le flot qui se retirait ? C’était l’idée qui devait se présenter la première ; mais, dans ce cas, il aurait fallu que ces petits animaux marchassent aussi vite qu’un homme. En effet, l’instant où ils se montrèrent le plus nombreux était celui où la mer commençait déjà à remonter, et le mouvement ascensionnel du flot était tellement rapide, que M. Audouin eut à peine le temps de gagner le rivage.

Forcé de renoncer à cette explication, l’observateur supposa que les insectes pouvaient arriver, en volant, aux points où il les avait trouvés, et s’en retourner de la même manière ; mais ayant soulevé les élytres de ceux qu’il avait saisis, il reconnut que ces animaux n’avaient pas d’ailes ; d’un autre côté, leurs membres n’étaient point disposés pour la natation, et même, quand ils auraient eu, comme les hydrophiles, les dytiques, les notonectes,