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MÉLANGES.

du reste, la manière de procéder est encore à peu près la même. Ainsi, tandis que l’un disait : « Un homme peut fendre la tige d’un petit arbre, cliver un fragment d’ardoise ; un être plus grand, plus robuste, pourra fendre de même un rocher ; or, voilà un rocher qui paraît avoir été fendu : donc, il a existé un homme doué de forces convenables pour le fendre ; » l’autre aura observé, je suppose, les effets d’une pluie d’orage sur un terrein meuble, et voyant que les eaux ont creusé à la surface du sol de petites rigoles séparées entre elles par des sillons ; « voilà, se dira-t-il, l’image des montagnes et des vallées, et c’est une cause semblable qui, agissant sur une plus grande échelle, a présidé à leur formation. »

C’était une bonne marche, sans doute, que de partir de faits s’accomplissant ainsi sous l’influence d’une cause connue, pour remonter à celle de faits appartenant à des époques fort antérieures ; mais, avant de prononcer sur l’identité des causes, il eût fallu commencer par constater celle des effets. Il eût fallu observer avec soin et persévérance, collecter péniblement des matériaux, avant de songer à élever l’édifice ; or, celui qui se sentait le génie de l’architecte, ne voulait pas descendre à faire le métier de maçon. Aussi, qu’arrivait-il ? C’est que les efforts de la plus brillante imagination n’aboutissaient qu’à créer des châteaux de carte, que le moindre souffle renversait.

On conçoit fort bien que des hommes, dont l’esprit était accoutumé à de hautes spéculations, eussent quelque peine à se plier à un examen minutieux de détails, et qu’ils se contentassent, pour leurs théories, d’emprunter à l’observation un très petit nombre de faits ; mais en procédant de cette manière, ils ne pouvaient réellement rien produire de durable. Aussi les premiers progrès dans les sciences géologiques furent-ils dus, non à des philosophes, mais à d’humbles artisans, à un potier de terre, à des ouvriers mineurs, etc. Le temps des généralisations utiles ne peut, en effet, jamais précéder celui des observations.

Depuis quelques années, les observations sur la structure du globe se sont beaucoup multipliées. On a étudié toutes les circonstances de ces grands accidens, dont les traits les plus marqués avaient seuls pu d’abord attirer l’attention ; on s’est trouvé en possession d’assez de faits, pour pouvoir déduire d’une manière rigoureuse un certain nombre de lois relatives à la composition, à la superposition des couches terrestres, à la direction des fractures qui se sont faites à diverses époques dans cette coque extérieure, à l’âge relatif des brisemens, etc. Ainsi, en laissant de côté ces explications prématurées, sortes d’excroissances qui surchargent les sciences sans les faire grandir, nous voyons la géologie passer par les trois premiers des degrés successifs qu’ont à parcourir, suivant