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les besoins éventuels de la guerre. Mais quand on eut saisi les biens de l’émigration, le plus grand embarras fut d’en trouver de l’argent. Il fallut recourir à des mesures violentes, sans trop accorder à ceux qui s’en prenaient déjà à la propriété, de tous les périls de la patrie. C’est ainsi que, sur la proposition de Barrère, le 18 mars 1793, la Convention décréta en dix minutes, 1o qu’il serait établi un impôt gradué et progressif sur le luxe et les richesses tant foncières que mobilières ; 2o que la peine de mort serait prononcée contre quiconque proposerait une loi agraire ou toute autre subversive de la propriété.

Assurément, dans ce premier mouvement d’un vote instinctif, l’on ignorait que telle progression d’impôts aurait pu avoir des effets analogues à ceux d’une loi agraire, ainsi que nous l’avons démontré. La Convention, au surplus, n’avait pas le choix de ses décrets.

Un économiste osa pourtant soumettre à son comité des finances un excellent traité contre l’impôt progressif. C’est le seul qui ait paru jusqu’à ce jour, tant cette matière est encore peu connue ! Nous avons lu avec toute l’attention qu’il mérite ce traité de M. Jollivet, ancien membre de l’assemblée législative. Ses principaux argumens sont résumés dans notre écrit, et nous n’avons cru pouvoir mieux faire pour nos lecteurs, que de leur en offrir ainsi la substance, en y mêlant nos réflexions[1].

Les membres du comité conventionnel, éclairés par cet ouvrage, en avaient ordonné l’impression, mais craignant aussitôt de se perdre, ils laissèrent à son auteur le soin dangereux de le publier.

On ne songeait d’ailleurs qu’à une application provisoire du

    dre et de multiplier ses avantages. Ses procédés d’industrie attrayante sont tout ce qu’il y a de plus opposé à l’impôt progressif. Il promet aux capitaux, à l’intelligence, au travail, trois sortes de dividendes, sans lesquels une réforme sociale ne peut être qu’un tissu d’iniquités et de misères.

  1. L’ouvrage de M. Jollivet est intitulé : De l’impôt progressif et du morcellement des patrimoines, avec cette épigraphe : c’est le vautour déchirant ses propres entrailles. 103 pages in-8o. Paris, 1793. Un seul journaliste osa l’annoncer quand il parut. M. Jollivet partageait la prison de l’illustre M. de Tracy. Tous deux allaient périr, quand le 9 thermidor les rendit à la science.