Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/732

Cette page a été validée par deux contributeurs.
726
REVUE DES DEUX MONDES.

sais de guerre civile ; comme à la femme de l’Évangile, il lui sera beaucoup pardonné, car elle a beaucoup aimé.

Je suis seulement inquiet de M. le comte de Luchesi-Palli. Où est-il ? Que fait-il ? Quelqu’un peut-il me faire l’amitié de m’en donner des nouvelles ? On dit qu’on l’a vu dernièrement sur je ne sais quelle route de la Hollande, se dérobant, tout honteux, aux complimens d’un corps diplomatique qui s’apprêtait à le féliciter de son alliance avec le sang des rois. Pourquoi rougir d’une si haute fortune ? Ferait-elle, par hasard, tache à l’écusson de sa noble race ?

À la mise en liberté de la prisonnière de Blaye, se rattachent le rapide voyage à Prague et le retour non moins subit de M. de Châteaubriand à Paris. Il y a réellement quelque chose de fantastique dans la personne de M. de Châteaubriand. Aujourd’hui, vous le voyez se promenant rêveur dans quelque allée solitaire du Luxembourg ; demain, vous apprenez qu’il est à Genève, à Vérone, à Prague, je ne sais où, au bout du monde. Puis le jour suivant, vous le retrouvez dans son ermitage de la rue d’Enfer. Je comparerais volontiers le noble pélerin à ces pièces d’artifices, vulgairement nommées dragons, que vous voyez, dans les fêtes publiques, partir et revenir à vous avec la rapidité de l’éclair. Et pourquoi tant de courses, de soins et de fatigues, qui commencent à aller mal aux cheveux blancs de René ? Pour servir des ingrats qui viennent à lui au jour de l’infortune, et qui l’abreuveraient de dégoûts le lendemain du triomphe. Il le sait mieux que personne, mais n’en continue pas moins d’obéir à la destinée qu’il s’est faite. Heureusement pour lui, le jour des ingratitudes ne viendra pas, malgré tous ses efforts. Au dire de quelques-uns, le but du voyage de M. de Châteaubriand à Prague était un accommodement entre la famille offensée de l’ex-duchesse de Berry et cette dernière ; selon d’autres, d’offrir ses services pour l’éducation du jeune prétendant. — Qui fera celle de M. de Châteaubriand ? — a demandé à ce sujet certain journal malicieux : question trop impertinente pour mériter une réponse !

Les jaquettes et les barbes saint-simoniennes se font rares à Paris depuis assez long-temps ; l’Orient est devenu le théâtre des extravagances de la secte ; et il faut le dire à notre honte, les Orientaux se montrent plus raisonnables à l’égard des nouveaux apôtres que les populations de certaines parties de la France qui en sont encore au douzième siècle. Tandis qu’à Constantinople les graves musulmans ne se sont émus qu’en voyant ces messieurs se jeter en pleine rue aux pieds de leurs femmes, et qu’à Alexandrie on s’est contenté de rire de leur étrange costume ; à Marseille, et ailleurs, une stupide et sanguinaire populace poursuit avec des cris de mort ces hommes inoffensifs après tout, et dont la folie prolongée ne devrait