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ÉCONOMIE POLITIQUE.

dans un projet d’impôt progressif proposé par M. A. Decourdemanche, auteur de plusieurs écrits estimés sur la jurisprudence et l’économie politique.

Pour le moment, nous ne parlons que des progressions croissantes avec plus ou moins de rapidité, et dans le but avoué de grever les riches, plus que ne le fait l’impôt proportionnel. Afin de préciser quelque peu nos jugemens, nous examinerons les effets des progressions de ce genre sur chaque branche d’impôts en particulier ; mais avant de nous engager dans cette discussion toute neuve encore, il nous semble utile de montrer pourquoi elle est neuve, et comment il était difficile qu’elle fût abordée avec l’esprit tranquille de la science.

Comme l’impôt progressif touche aux conditions fondamentales de la propriété, l’ardeur des réformes n’ose s’en emparer qu’après une sorte d’apprentissage. Il faut de plus que les réformateurs y soient obligés par certaines catastrophes que leurs théories devanceraient inutilement. C’est ce que prouve, en effet, l’histoire des peuples les plus avancés dans leurs institutions. Cherchons donc, pour notre propre expérience, à quel degré de maturité ces peuples sont parvenus sur la question qui nous occupe.

Aux États-Unis, ce pays si fécond en nouvelles expériences sociales, on aperçoit partout un respect scrupuleux pour la possession légale des biens acquis. Ce sentiment est-il un reste des traditions féodales de la mère-patrie ? Non, les favoris de Charles ii ne furent pas heureux dans leurs projets de fiefs américains. Cette fière population a secoué tous les privilèges du sol et de la naissance pour ne conserver de la propriété que les garanties de droit commun, admises jusqu’à ce jour dans les pays civilisés[1]. Il est bien plus simple de voir dans les propres habitudes du peuple américain les causes de son respect traditionnel pour les patrimoines. Les passions qui attachent à la propriété, s’accroissent avec les facilités du travail et de ses profits. Comment des établissemens que chacun

  1. Nous ne disons rien du seul privilège que l’Angleterre ait légué à son ancienne colonie, le maintien de l’esclavage dans quelques états. L’Amérique n’est responsable que de ses efforts pour remédier à un si grand mal.