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PHILIPPE DE MORVEL.

Elle caressait, en lui témoignant de la confiance, un des faibles de son mari ; elle l’écoutait ; mais craignant d’être dupe de quelque illusion, elle avait soin de prendre des renseignemens à une source plus authentique. La conversation franche et vive du comte de Morvelle était pour madame Necker comme une espèce d’antidote contre les nouvelles flatteuses du marquis : ce motif d’utilité personnelle lui faisait apprécier davantage un caractère d’honneur et de probité, qui, sans cela même, aurait pu lui plaire.

Pendant que M. Auberti s’informait curieusement du nom et du rang de M. de Morvelle, celui-ci avait eu le temps de prendre à son égard des informations semblables ; la réponse fut de tout point favorable au Génevois. On exagéra même, comme il arrive souvent dans le monde, ses avantages de fortune et de position ; on le présentait comme chef d’une compagnie qui réunissait un capital de cent millions pour le moins. Quant à mademoiselle de Risthal, on la qualifiait sans hésitation du titre de riche héritière. Soit que ces renseignemens eussent produit quelque impression sur l’esprit du comte, soit qu’il cédât tout simplement à son goût d’habitude pour le salon de madame Necker, il y retourna le lendemain soir ; mais l’oncle et la nièce ne s’y trouvaient pas, et il en fut de même le jour d’après.

Durant ces deux jours, Auberti conta plus d’une fois à sa nièce l’heureuse rencontre qu’il avait faite, chez le directeur général du trésor, d’un jeune colonel, homme de qualité, ayant les manières les plus aimables et l’esprit le plus original. « C’est vraiment, disait-il à Sophie, l’esprit français avec toute sa grâce et toute sa légèreté. » Sophie ne savait que répondre, car elle n’avait pas seulement remarqué la personne dont il était question ; mais son oncle n’en continuait pas moins à lui parler du comte de Morvelle. Pendant qu’il répétait les mêmes éloges, et toujours à peu près dans les mêmes termes, on lui remit un billet de la part de madame Necker. Dès qu’il l’eut ouvert : « Eh ! vraiment oui, dit-il, nous n’y songions pas ; c’est demain, justement demain, le jour de l’escalade ». Et il se mit à lire tout haut :

« M. Auberti et son aimable nièce ont peut-être oublié, cette année, au milieu du fracas de Paris, l’anniversaire du 12 décembre, si heureux pour tous les cœurs génevois. Je prends la li-