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tème de crédit public. Le crédit, monsieur, voilà la source de toute prospérité pour l’état, comme pour les particuliers.

— Bravo, dit un homme de trente ans, que ses épaulettes à torsade d’or sur un frac uniforme, faisait reconnaître pour un officier supérieur ; bravo, cela est de toute vérité.

— Oui, sans doute, reprit le Génevois, animé par cette approbation inattendue, et avec l’intention de dire quelque chose d’agréable pour un militaire, le crédit est le nerf de la guerre et le mobile des grandes entreprises ; il donne la puissance et la sécurité. Mais il ne s’obtient qu’à une condition, celle de respecter tous les droits acquis, de ne toucher qu’avec ménagement aux existences même abusives ; de remplir exactement ses engagemens de toute nature, de payer les créanciers intégralement, et sans aucun retard.

— Cela n’est pas toujours possible, dit l’officier à demi-voix, comme s’il eût répondu à quelque idée qui lui passait par la tête, plutôt qu’à l’assertion de l’orateur.

— Pardon, monsieur, reprit Auberti, cela se peut et se doit toujours ; et c’est ce que prouvera M. le directeur général, tant que, pour le bien du royaume, il gardera l’administration des finances.

L’officier entreprit de faire une distinction entre les créanciers de l’état, d’exclure du droit absolu à la bonne foi du gouvernement ceux qui avaient prêté à un taux trop élevé, à un taux usuraire ; mais, malgré une certaine facilité d’élocution, il perdit deux ou trois fois le fil de ses idées, et ne put conduire à bien cette tirade, qui prouvait de sa part, sinon de grandes études en économie politique, du moins une grande haine contre les usuriers.

La conversation tomba pendant une minute ou deux puis l’un des assistans la reprit en ces termes : « Savez-vous la nouvelle du jour ? M. de Clermont-Tonnerre épouse demain mademoiselle de Rosambaud ; le roi a signé le contrat.

— Clermont-Tonnerre, Rosambaud, s’écria le Génevois avec une expression de complaisance, voilà des noms qui sonnent bien !

— Quoi ! monsieur, dit le militaire, vous en êtes encore là ? Pour moi, il y a long-temps que j’en suis revenu. Qu’est-ce que de beaux noms ? Ce que sont les tambours de mon régiment, quand ils battent : au-dehors, du bruit ; et au-dedans, du vide. Le mot de no-