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LES LOIS ET LES MŒURS.

mer la Rome primitive, les mœurs agricoles du Latium et les mœurs guerrières de la Sabine. Les vieux Sabins ont laissé, jusqu’aux époques les plus dégénérées de l’histoire romaine, un renom de rude simplicité et de mâle courage. Ils avaient aussi un caractère religieux très prononcé dont le type est Numa. Ainsi la religion, l’agriculture et la guerre, telle fut l’étoffe primitive des mœurs romaines. L’Étrurie, purement aristocratique, y déposa en germe l’esprit de caste ; le Latium et les Sabins y apportèrent leurs habitudes patriarcales et belliqueuses. De toutes ces choses se composa le génie romain, pieux et superbe, grave et farouche. Ainsi fut trempée de religion, d’austérité et de force, cette nation destinée à vaincre le monde et à le discipliner.

Mais, organisée de la sorte, elle courait le risque de demeurer, comme les Étrusques eux-mêmes, sous le joug d’une aristocratie guerrière et sacerdotale, qui, pesant sur elle d’un double poids, eût fini par l’écraser ; ce qui la sauva de ce danger, ce fut de pouvoir opposer à ses patriciens une plèbe énergique et puissante. Il ne faut point se représenter cette plèbe comme une populace misérable, mais y voir avec Niebuhr la population mixte qui se groupait autour de la population primitive en possession de la cité. C’est ainsi que l’on explique comment de puissantes familles étaient plébéiennes, comment il y avait parmi les plébéiens originaires de grands propriétaires et même des chevaliers.

Ce fut, comme on sait, la lutte constante de la population plébéienne et de la population patricienne qui forma le trait distinctif de l’histoire romaine. Ce fut cette lutte qui produisit les agitations et fit la grandeur de la république, c’est de là que sortirent les mœurs politiques de Rome. Ces mœurs politiques vinrent s’implanter dans des mœurs religieuses, patriarcales et guerrières, elles communiquèrent à cette masse la vie et le mouvement, elles fécondèrent ce sol vigoureux et achevèrent de cimenter les fondemens de la constitution romaine.

Maintenant que nous avons analysé dans leur origine les mœurs de Rome, suivons le développement de sa législation qui s’appuie sur elles, ou plutôt qui fait corps avec elles et partage toutes leurs révolutions et toutes leurs vicissitudes.

La première de ces révolutions est bien ancienne, elle eut une importance immense ; c’est celle qui se rattache à ce personnage à demi fabuleux dont le nom étrusque était Mastarna, et que Tite-Live appelle Servius-Tullius. Ce fut une organisation nouvelle amenée par de nouvelles mœurs. L’élément militaire paraît avoir prévalu passagèrement sur l’élément sacerdotal et aristocratique, lorsque la division par centuries prévalut sur la division par curies, lorsque tout le peuple romain, sans dis-