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sympathiques, les plus dévouées de sa nature. Où trouver de plus nobles et de plus simples caractères, mais en même temps de plus complets, d’expressions plus entières d’une civilisation perfectionnée, que Catinat ou Vauban, ou bien encore que ce maréchal de Boufflers, l’héroïque défenseur de Lille, en qui se fondent si heureusement, sous le pinceau de Saint-Simon, l’austérité du patriotisme antique et les belles manières de la cour de Louis xiv. C’est dans le caractère du chevalier, c’est-à-dire dans le chrétien armé, dans le chrétien, au milieu des terribles scènes de la guerre, que le moyen âge s’est plu à réunir ce qu’il y a de plus noble dans l’amour, de plus naïf dans la croyance, de plus magnifique dans le sacrifice. Mais ce n’est pas seulement le moyen âge, c’est l’humanité tout entière qui, dans tous les temps et dans tous les lieux, a porté le même témoignage. Depuis l’origine des temps, c’est aux grands capitaines, aux conquérans qu’elle a payé le plus ample tribut d’admiration. C’est aux pieds des hommes dont la grandeur s’est élevée sur des monceaux de cadavres, qu’elle s’est prosternée le plus volontiers ; ce sont ceux qui ont marché parmi les hommes, au milieu de la plus large voie de sang, qu’elle a suivis de préférence à tous les autres, pour les glorifier. Le grand langage de Bossuet se revêt d’une majesté nouvelle, laisse éclater une poésie plus puissante encore que de coutume, quand il nous parle de Condé à Rocroy, ou de Gustave en Pologne. La langue de feu semble avoir flamboyé plus ardente au front de Daniel, quand les voiles de l’avenir se sont écartés, pour laisser voir à son œil prophétique ces bonds prodigieux d’Alexandre, sous lesquels s’en allait en poussière le trône de Darius. Du milieu de nos temps sans croyance et sans amour, n’est-ce pas seulement pour balbutier le grand nom de Napoléon, que la poésie se hasarde encore à faire résonner parmi nous sa voix affaiblie, tout-à-l’heure éteinte ? S’il lui était donné de livrer encore une fois au vent de l’inspiration ses ailes divines, maintenant enchaînées, ne la verrions-nous pas s’élancer aussitôt sur les traces du conquérant, pour le chanter dans sa merveilleuse course des Pyramides à la Moscowa ?

C’est donc au milieu des misères et des désolations de l’humanité que se manifeste surtout la grandeur morale de l’homme ; je ne sais quelle loi bizarre le veut ainsi. De là vint sans doute qu’au milieu