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Antiquités de Dacca, avec quelques mots de texte, ouvrage fait depuis peu par un M. Doily, alors collecteur à Dacca, et que j’ai beaucoup connu depuis comme directeur des douanes à Calcutta. M. Doily était sans doute plus exact dans son livre de bureau que dans son travail d’artiste, car avec ce travail à la main, j’ai eu peine à reconnaître les lieux qu’il a voulu peindre. Ses gravures représentent des monumens qui ne le céderaient pas à ceux de Rome, et je t’assure qu’il n’y a pas plus de rapport entre Rome et Dacca qu’entre Raphaël et M. Doily.

Dacca est construite sur un banc ou plutôt sur une île formée par les bras du Gange, nommé Ganga en bon hindoustani. Le plus grand de ces bras s’appelle Bora-Ganga (grand Gange), nom que la ville a porté long-temps avant celui de Dacca, dont la signification est douteuse. Cette ville ne date dans l’histoire que de l’époque où les Européens s’établirent au Bengale, c’est-à-dire de trois siècles environ, et doit sa prospérité aux conquêtes du fameux Akbar, qui, comme Alexandre, construisait à mesure qu’il détruisait. Au reste, pour la prospérité commerciale, la position d’un lieu vaut mieux que la faveur d’un héros. Dacca est proche de la mer, et voisine d’un pays dont elle est l’entrepôt ; elle serait depuis long-temps ce que Calcutta est depuis peu, si les vaisseaux pouvaient remonter le Gange aussi bien que l’Hougly.

L’histoire nous apprend que le sultan Jehanguir, grand-père d’Aureng-Zeb, après avoir conquis le Bengale, établit à Dacca la résidence du gouverneur de cette contrée. Ce Jehanguir savait mieux élever ses soldats que ses enfans : les siens furent d’assez mauvais sujets, et l’un d’eux, nommé Cha-Jehan, trouvant sans doute que son père ne lui donnait pas assez pour vivre, imagina en 1624 de voler le trésor de Dacca, évalué à douze millions. Jehanguir se fâcha, mais sa colère ne dura que trois ans, car il mourut en 1627, et son pendard de fils, qu’on soupçonnait d’avoir accéléré sa mort, fut néanmoins reconnu empereur par toute la noblesse maure, qui lui trouva des talens, de la probité et toutes les vertus inhérentes à la royauté. Mahomet-Soudja, encore enfant, prit la place de son père à Dacca, et mangeait légitimement le reste des douze millions, quand un général d’Aureng-Zeb, nommé Kan-Khanan, et depuis émir Jemla, le chassa de la ville, qui reconnut alors