Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/629

Cette page a été validée par deux contributeurs.
623
LETTRES SUR L’INDE.

pression que tous les discours des brames, et le plaisir d’avoir un bel animal n’a pu l’emporter cette fois sur le regret d’avoir tué un être qui semblait tenir à la vie par ce qui la rend le plus respectable.

À côté de Gouptipara se trouve un village considérable où se réfugient tous les Hindous qui perdent leur caste pour une certaine faute qui ne nous paraîtrait rien moins que grave. Tu sauras que lorsqu’un Bengali est près de mourir, on lui fait prononcer certain mot : orriboll, qui signifie simplement : J’appelle Dieu, mais qu’on traduit ainsi : Portez-moi au bord de la rivière, et donnez l’extrême-onction à mes sens, en me mettant de la bourbe sacrée dans les yeux, le nez, la bouche et les oreilles, ce qu’on exécute à la lettre. Tu songes bien que le moribond survit rarement à cette cérémonie ; quelques-uns néanmoins en réchappent. Cette résurrection, qu’un fanatisme bien entendu, s’il y en avait de tel, devrait attribuer à la grâce, est au contraire, parmi les Hindous, un titre de réprobation. Le malheureux survivant est chassé à jamais de sa caste et même de sa famille comme un homme repoussé par le ciel. J’aurais eu grande envie de voir cette assemblée de revenans qu’on dit tout honteux d’être au monde, après avoir prononcé orriboll, qui dit plus qu’il n’est gros ; mais il était tard, et la faim et le soleil me chassèrent dans mon bazarra.


En quittant Gouptipara, M. Duvaucel se détourna de sa route pour se rendre à Coulbarria, sur la rivière de Cassimbazar, où l’appelaient quelques affaires particulières. Il en partit le 10 août et arriva le 22 à Dacca. Le récit de ce voyage étant d’un moindre intérêt que ce qui précède, nous le passons sous silence.


Dacca, 24 août.


.... Après déjeuner, je montai en calèche pour visiter tous les monumens publics, et surtout les temples qui sont toujours les archives les plus anciennes et les mieux conservées. J’avais pour guide un mounchy ou maître de langues qui parlait si bien la sienne, que je pouvais à peine le comprendre, parce que le peu que j’en sais est corrompu par le bengali, qui lui-même est une corruption du sanskrit. J’avais en outre deux cahiers de gravures intitulés