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LETTRES SUR L’INDE.

son cousin M. Wallich qui y fut envoyé en qualité de médecin, Serampour est l’asile de tous les banqueroutiers du Bengale, de tous les gens poursuivis pour dettes ou pour délits plus ou moins graves, et fait ainsi du roi de Danemark le protecteur de tous les fripons de l’Inde. Il en résulte que des créanciers mourant de faim à Calcutta, peuvent voir tous les jours leurs débiteurs rouler carosse à Serampour. Cette ville est fort jolie et la plus propre du pays ; on y rit, on s’y amuse beaucoup, pour peu qu’on aime la mauvaise compagnie. Les meilleures maisons sont celles qui doivent le plus d’argent, parce qu’il n’y a rien qui mette un homme plus à son aise que l’insolvabilité, et j’ai plusieurs fois été tenté de quitter Chandernagor où l’on meurt de faim, où l’on crève d’ennui, pour venir m’établir à Serampour, qui est un avant-goût du paradis.

Au reste, Serampour n’est pas seulement un repaire de mauvais sujets. Des missionnaires anabaptistes y ont fondé un collège pour l’éducation des enfans riches, et je crois que par la suite ils l’emporteront sur les fripons pour la célébrité de la ville danoise. Ces bons pères, ayant bien vite reconnu qu’ils ne feraient pas plus d’anabaptistes avec les Hindous que nous n’avons fait de catholiques romains avec les Chinois, se sont bornés à convertir des shillings en roupies. Rien ne prouve mieux leurs succès dans cette espèce de conversion que l’augmentation rapide de leurs domaines, qui s’agrandissent de tous ceux des âmes charitables. La moitié de la ville est déjà en leur pouvoir ; ils viennent d’établir une belle imprimerie où l’on trouve Virgile et Goldsmith traduits en bengali ; depuis peu de jours, ils fabriquent du papier passable au moyen d’une machine à vapeur fort ingénieuse, et l’on assure qu’ils vont élever maintenant une manufacture de bougies, de sorte qu’on trouvera chez eux des indulgences, du papier, des dispenses, des chandelles et des bénédictions.


Chandernagor, 24 juillet.


Je suis arrivé hier à Chandernagor, jadis la plus florissante ville du Bengale et maintenant la plus misérable. Si je te disais tout ce